Coupez le courant, c’est assez gratiné !

Passer derrière l’île de Vancouver, c’est se glisser au travers d’une multitude de canaux et de passages étroits. Vous y ajoutez près de 5 mètres de marnage et vous obtenez des courants de marées plutôt ahurissants. Le flot qui s’engouffre par le nord de l’île se concentre en quelques passages qui sont un vrai défi pour les marins.

La simple lecture des tables de marées vous montrent que ça va être plutôt gratiné.

Seymour Narrows, le passage le plus large et emprunté par les gros navires : 16 nœuds !

Dent Passage, Gillard Passage ou Arran Rapids : respectivement 11, 13 et 14 nœuds !

Et les étales ne durent que quelques minutes.

Les photos vues d’avion qui figurent dans notre guide de croisière montrent de vrais rapides dignes du Colorado. Heureusement, les tables officielles donnent exactement les heures de renverse et la force maximum des courants.

Nous choisirons finalement  l’Okisollo Channel et  le Hall in the Wall, non pas pour leurs courants plus faibles (11 et 12 nœuds) mais pour leurs paysages plus spectaculaires et leur position juste au milieu de l’archipel des Discovery Islands.

Et comme il faut encore se caler sur le Wellbore Channel et son évocateur Whirlpool Rapids lors de la même étape, il ne faut pas se tromper d’heure au moment de fixer le moment du passage. Nous passons ces derniers juste à l’étale et nous ne sommes pas les seuls, puisqu’un loup en profite pour traverser à la nage entre les 2 îles.

4 heures plus tard c’est l’arrivée à l’Okisollo, un peu plus d’une heure avant la renverse. Le courant est encore de 6 nœuds et les remous spectaculaires, mais finalement sans danger.

C’est même plutôt amusant et comme le temps est au calme plat  nous décidons le lendemain matin de passer le Hole in the Wall une heure après la renverse, histoire de « s’amuser » encore un peu. D’autant plus que les tables ne prévoient que 4,5 nœuds à ce moment-là.

Mais le passage est bien plus étroit et au milieu du goulet règne un étrange remous. Comme si l’eau bondissait du fond pour se séparer en deux immenses rouleaux portant vers chaque rive !

Bien plus chaud que prévu. Les gaz à fond pour rester manœuvrant, on est littéralement happé dans le passage, Chamade zigzagant dans tous les sens. Plus impressionnant sans doute que réellement dangereux, mais je me dis qu’il ne faudrait pas s’y aventurer 2 heures plus tard au plus fort du courant.

Et faut-il préciser que dans ces passages, mieux vaut éviter de se trouver vent contre courant. Quand il souffle à 25 nœuds comme cela arrive assez souvent dans le Johnstone Strait, cela peut vite devenir vraiment dangereux.

A noter encore, qu’en 1958, pour faire disparaître une roche sous-marine au milieu des Seymours narrows, les Canadiens n’avaient pas hésité à creuser un tunnel sous marin et à forer un puit vertical pour y concentrer 1400 tonnes d’explosif. Ce fur la plus forte explosion non-atomique jamais réalisée sur la terre.

P.S : Pour rendre à César ce qui est à… signalons que le titre de cet article est un petit plagiat d’un excellent article de « Voiles et Voiliers » des années 70 signé ( ?) Alain Grée ou Daniel Allisy, sur la navigation dans le chenal du Four au large de Brest. (« Coupez le courant dans le four, c’est assez gratiné ! »)

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