Le choix radical de Bruno

Perdu au cœur de la végétation, au détour d’un chemin, juste en bordure du village, un petit portique donne sur un dallage de corail. Au fronton cette inscription : « A la belle étoile ».

Intrigués nous entrons, appelons… arrive un homme, un blanc, barbu, d’une soixantaine d’année. « Do you speak french ? » ose-t-on prudemment. « Yes » répond l’homme d’une voix douce.. C’est ainsi qu’on fait la connaissance de Bruno, débarqué « au sens propre » il y a une trentaine d’années.

Bourlinguant alors comme équipier sur le voilier d’un américain barjo, en provenance d’Hawaï, Bruno sympathise avec une famille de Fanning qui lui propose de l’adopter. Sachant qu’il n’y a pas d’avion ici et un bateau tous les tremblements de terre, Bruno hésite, mais trop content de quitter son rafiot, et surtout désireux de vivre une expérience unique, le voilà qui accepte et s’installe dans la case de sa famille d’adoption. Il y restera plus de 8 mois, puis repartira vers Hawaï, puis vers Christmas où il rachète un petit voilier de 8m, une épave à l’abandon dans le lagon. Il le retape, et le voilà de retour à Fanning où il rencontre Tapeta sur l’atoll voisin de Washington. Mais en revenant à Fanning il s’échoue sur le récif. Il télégraphie alors à sa famille: « Perdu bateau – trouvé femme ».

Ensemble, désormais mariés, ils repartent vers la Polynésie, vivent à Raiatea puis à Tahiti.  Ils s’installent ensuite à Rangiroa où Bruno vient de racheter une nouvelle épave, un Dufour 31 (9m) éventré sur le récif. Une annnée de travaux est alors nécessaire pour remettre le voilier à l’eau et revenir à Fanning où ils achètent un bout de terrain pour 750$.

Commence alors la construction de leur maison à 2 étages. Mais tout est affaire de patience. Pour construire sa citerne et sa dalle, Bruno commande du ciment. Il devra attendre une année avant de le voir arriver ! Mais grâce à des aller-retour à Hawaï avec son vieux Dufour, les travaux avancent… Et puis un jour son bateau casse son amarrage et coule dans le lagon. Mais à force de travail et d’astuce, une petite guest-house naît ainsi à Fanning. Seul problème : il n’y a pas de client, puisque pas d’avion et pratiquement pas de bateau. Seuls rares hôtes, des « touristes-aventuriers » venus avec le Kwai, la goélette qui ravitaille l’île tous les 3 mois depuis Hawaï. Et ceux -ci ne peuvent rester que le temps de l’escale et d’un court aller-retour vers l’ile voisine de Washington. 6 jours au maximum. Ou 3 mois! Mais finalement cela ne semble pas trop déranger Bruno qui vit ainsi tranquille avec Tapeta sa vie de Robinson.

Aujourd’hui Bruno et Tapeta continuent de couler des jours heureux à Fanning, leur fille aînée, Magali, vit en France et leurs 3 autres jeunes enfants, Paul, Agnès et Gratien grandissent sur leur atoll du bout du monde.

Bruno, c’est toute une philosophie. C’est le goût d’entreprendre, de construire, d’améliorer son quotidien. C’est un incroyable sens de la bricole. Mais c’est aussi une patience et une totale adaptation aux conditions locales. Une année pour son ciment… tout autre que lui « péterait un câble ». Lui non. Aujourd’hui il cherche des plaques de fibre de verre pour sa maison, « les mêmes qu’on trouve à Tahiti ». Mais faute de lien avec la Polynésie, il espère en trouver aux Fidji. Il a envoyé un mail via l’unique point internet de l’île. La réponse viendra dans quelques semaines ou mois et la fibre, dieu sait quand. Ici aussi, « le temps s’immobilise ».

Mais Bruno ne regrette rien. Au début de cette année il est retourné en France pour le décès de sa mère. 12 jours sur place, pas un de plus, afin de ne pas manquer le retour du Kwai vers Fanning. Sinon il aurait dû attendre 3 mois ! « 12 jours, c’était finalement bien suffisant… » dit – il avec un grand sourire.

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