Guerres et paix aux Aléoutiennes

Remonter le long chapelet des îles du Pacifique Nord, des Kouriles aux Aléoutiennes, c’est plonger dans une atmosphère de mystère et de secrets militaires. Ces îles n’ont beau être pour la plupart que des cailloux pratiquement inhabités, elles n’en ont pas moins été le théâtre de décennies de guerres, qu’elles soient chaude ou froide.

Et les pauvres Aléoutes (comme les Aïnous aux Kouriles) qui, longtemps, ne connurent que des conflits et rivalités de trappeurs (mais déjà décimés par les maladies contractées à leur contact) se retrouvèrent soudain otages de conflits qui ne les concernaient guère mais qui ont bouleversé leurs vies.

Photo Musée Dutch Harbor

Aux Aléoutiennes, la guerre commence le 3 juin 1942 par le bombardement de Dutch Harbor. Puis les Japonais débarquent le 6 juin 1942 sur l’île de Kiska et le lendemain, le 7 juin sur celle d’Attu. Les troupes de l’Empereur y capturent les Aléoutes et les déportent dans des camps de concentration au Japon.

En réaction les Américains s’installent sur l’île inhabitée d’Adak et y crée une base aérienne d’où partira la reconquête. Eux aussi « évacuent » – les Aléoutes disent « déportent » –  les autochtones vers d’anciennes conserveries d’Alaska. 11 mois plus tard, le 11 mai 1943, 12’500 soldats US débarquent sur Attu. Les combats seront féroces et la garnison japonaise résistera jusqu’au 28 mai.

Les derniers 1000 survivants déclenche une dernière attaque suicide qui ne laissera que 28 survivants.  L’Etat-major japonais conscient que la garnison de Kiska (près de 7000 hommes) ne pourra pas résister longtemps et, décision surprenante vu la philosophie de l’époque, choisi d’évacuer l’île. Une partie est retirée par des opérations de sous-marins puis le 28 juillet 43, au cours d’une incroyable opération maritime, les 5100 soldats restants réembarquent en moins d’une heure sur des navires qui s’évanouissent dans le brouillard.  Ce n’est qu’à la mi-août que les Américains qui prennent Kiska d’assaut découvrent que l’île a été complètement abandonnée !

Dès 1945, avec la montée en puissance de la « guerre froide », de chaque côté de la ligne de changement de date, Américains et Russes se livrent à une surenchère et multiplient les bases.

Aux Kouriles et au Kamchatka pour les Russes, aux Aléoutiennes pour les Américains. Les pistes aériennes poussent comme des champignons à Attu, Agattu, Shemya, Adak et Amchitka  transformé en centre d’essai nucléaire en plein air.

Mais en 1995, suite à l’effondrement de l’Union soviétique, le gigantesque déploiement militaire est désormais un délire trop coûteux. Les bases ferment les unes après les autres.

Agattu est purement abandonnée et déserte aujourd’hui.

Attu qui a compté plus de 6000 hommes, reste jusqu’en 2006 une station des Coast Guards où une dizaine d’hommes assurent la maintenance d’une station Loran (radionavigation maritime). Aujourd’hui Attu est déserte, même si une équipe de maintenance y fait quelques rares séjours.

Adak, elle, est fermée en 1995. L’immense ville de 8000 habitants n’abrite désormais qu’une soixantaine de personnes à l’année et une centaine de « saisonniers » supplémentaires en été pour assurer une certaine maintenance et surtout le déminage.

Amchitka, officiellement « décontaminée » est déserte.

Reste le mystère de la base de Shemya.

Les rumeurs disent qu’elle est (ou a été) un centre de développement de la « guerre des étoiles ». Elle serait aujourd’hui « semi-fermée » selon les indications souvent assez floues que nous avons obtenues à Adak. Noyée dans le brouillard lorsque nous avons longé ses côtes où tout mouillage est quasi impossible, elle a ainsi conservé tout son mystère.

Quand aux Aléoutes, après la deuxième guerre mondiale, ils furent autorisés à regagner certaines îles. Mais peu sont revenus comme par exemple dans l’île Atka où le village principal compte une septantaine de personnes, originaires d’Atka mais aussi d’Attu restée jusqu’à aujourd’hui territoire militaire.

La plupart vivent désormais sur le continent (beaucoup à Anchorage) où une nouvelle menace plane sur eux : la malbouffe et l’obésité… Les voilà devenus de vrais américains !

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