Justin:démineur en chef à Adak !

« Je n’y vivrais pas de manière permanente, mais pour quelques mois par année, en été, la vie à Adak me plaît bien !

D’autant plus que le job est intéressant ! » La cinquantaine bien entamée, long, mince avec une belle silhouette de joggeur, Justin nous a abordés dans la pénombre du magasin en panne d’électricité pour nous proposer tout de suite un « ride » de retour au bateau.

Glissant même quelques mots de français, réminiscence d’un échange scolaire de sa fille sur la côte nantaise. Mais la vie de Justin à Adak est celle d’un célibataire, pleinement occupé par son job saisonnier: il dirige un groupe de 24 démineurs chargés de débarrasser l’île des milliers d’obus et autres munitions non explosées qui infestent encore toute une zone de l’île.

Les restes de cinq décennies d’exercice de tirs et de minages préventifs. Tout commence en 1943 où suite à l’invasion d’Attu et de Kiska par l’armée japonaise, l’armée américaine débarque sur Adak. Elle y installe une base aérienne pour préparer la contrattaque. Craignant une nouvelle invasion japonaise l’US Air Force truffe les côtes de milliers de mines et de « Rommel stake », ces pieux acérés sur lequel les soldats s’empalent.

De plus les exercices de tirs sont nombreux. Ils ne s’arrêteront pas avec la paix revenue, puisque désormais c’est la guerre froide qui justifie un déploiement gigantesque sur Adak. (Voir « Guerres et paix aux Aléoutiennes). C’est alors la Navy qui fait d’Adak sa base principale dans les Aléoutiennes. L’île abrite bientôt près de 10’000 hommes. Non seulement une ville y est construite, mais face à la menace soviétique, Adak s’enterre : des dizaines d’abris antiatomique bien sûr, mais aussi une vraie ville souterraine, avec hôpital, centre de loisir, piscine, « Burger King » et débit de glaces « Baskin and Robbins » !

C’est aussi la guerre secrète : la CIA s’installe 5 km plus loin dans une autre enceinte fortifiée. Ses occupants ont l’interdiction de se rendre en ville ou d’avoir des contacts avec les habitants de « Navy Town ».

CIA town

Durant 50 ans les munitions non explosées se multiplient. Sans compter les stocks d’obus, de grenades et de mines anti-personnelles qui arrivent à échéance. Le tout est détruit dans de gigantesques « boums » en plein-air. Résultat : les sous-munitions sont encore plus dispersées ! Quand la Navy se retire en 1995, l’île est, au sens propre, une véritable pétaudière ! Commence alors le travail de déminage. Zone par zone, en partant du sud relativement peu touché. Aujourd’hui, 23 ans après, toute la zone nord-est du volcan principal est encore infestée. Le travail continue chaque été: par carré de 60 m sur 60. Repérage tout d’abord au détecteur de métal, balisage puis grattage en douceur. Et cette fois-ci les munitions retrouvées sont détruites dans des explosions couvertes, sans nouvelle dissémination. Justin estime qu’il y en a encore pour au moins 6 à 7 ans. Et même alors, on ne pourra jamais déclarer qu’une zone est sûre.

A Adak, il sera sans doute éternellement conseillé de rester sur les sentiers balisés ! Quant à Justin, il continuera de déclencher les détecteurs de métaux. Entre genoux, fémur, clavicule et pouces… les broches en titane parsèment son corps. Rien à voir avec le déminage… Juste un goût longtemps trop prononcé pour la vitesse en moto. « De tous les accidents que j’ai eu, un seul n’était pas de ma faute » avoue-t-il dans un sourire d’ange. « J’aime trop la vitesse ! » Lui ? Si posé, si calme, si mesuré ? « Mais je me suis un peu calmé ! » ajoute-t-il avec un sourire malicieux. On ne demande qu’à le croire !

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