Tous pareils, tous différents

(Par Sylvie)

Oqatsut (Le Cormoran, 62.21N-51.00W), ses maisonnettes colorées, sur fond d’icebergs, son Pilersuisoq ( supermarché subventionné) fermé le dimanche.

Qeqertaq ( La petite île 69.59,9N-51.17,9W) ses maisonnettes colorées sur fond d’icebergs, son Pilersuisoq ,où l’on trouve des jerricanes gonflables, mais pas de légumes.

Saqqaq ( La Côte Ensoleillée 70.01N-51.56W), ses maisonnettes colorées sur fond de (gros) icebergs, son Pilersuisoq où il n’y a pas de pain aujourd’hui parce que le four est cassé.

 Sur la route pavée d’icebergs qui nous mène à Upernavik , les villages où nous faisons escale se ressemblent apparemment. Mais ils sont tous différents. On rembobine : Lorsque nous arrivons au « Cormoran » (je francise les noms, c’est plus simple), les 52 habitants recensés par notre guide Grand-Nord sont aux abonnés absents. Il n’y a pas âme qui vive, ni près du joli cimetière marin, ni ailleurs. A part les poissons qui sèchent sur les séchoirs à poisson et quelques chiens enchainés.

Soudain, sur le ponton où agonise un congélateur abandonné, débarque une escouade de touristes à la recherche de l’Hôtel. Désolés, nous n’avons repéré aucun hôtel depuis Ilulissat. Rien qu’un restaurant, paraît-il réputé, mais qui ce dimanche n’attire visiblement pas grand monde. Mieux vaut donc retourner sur Chamade, trois étoiles au Michelin. Au menu de ce soir une morue fraîche et une animation garantie puisque nous avons dansé la java toute la nuit.

C’est tout le contraire dans « La Petite Ile » (150 habitants) qui semble débordante d’activité, et chaleureuse derrière ses glaçons.

Des ados se promènent dans la rue et sur la place de jeux, les jeunes enfants profitent d’une splendide journée de soleil qui rend tout beau et riant, même ces lieux perdus au bout du monde. Sur le port, les caisses de poissons déposées par les pêcheurs, sont prestement emmenées à la fabrique de conditionnement. Perché sur son tracteur, un ouvrier nous invite à boire le café chez lui à… «one- six » (18h) et nous montre du doigt sa maison jaune perchée sur un promontoire de granit.

C’est ainsi que nous nous sommes retrouvé assis à la table de Mikkel, fort heureux de découvrir sa vue imprenable sur la mer et son son salon high tech avec grand écran TV plat, internet et stéréo simultanément allumés. Mais nous sommes incapables d’échanger avec lui un traître mot. Heureusement, grâce aux photos placardées dans son salon et notre méthode « le Groenlandais express » ( nous lui avons fait lire les termes français traduits en groenlandais, parce que notre prononciation était trop lacunaire), nous avons découvert que nous n’avions pas atterri chez n’importe qui.

Mikkel est le président de la fédération groenlandaise des éleveurs de chiens de traineaux dont il possède à lui seul 40 spécimens. Sa femme a un diplôme d’Upernavik, amis ne nous demandez pas de quoi elle est diplômée. Un de ses jeunes fils est pêcheur, l’autre travaille à la fabrique. Visiblement Mikkel a remporté quelques courses de traineaux et la benjamine de la famille, la petite Rinja semble partager la passion de son père, quand elle ne joue pas sur le port.

Au bout d’une demi-heure de laborieuses tentatives d’échanges, entrecoupées de silences gênés, nous capitulons poliment à coup de courbettes et de « kujanaq » (merci). Puis nous rentrons à bord méditer sur les bugs de la fraternisation entre les peuples qui ne parlent pas la même langue et les frustrations qu’ils engendrent. Surtout lorsque le lendemain matin en quittant le port, nous voyons Mikkel nous faire des grands signes d’adieu. Trop sympa.

Il fait un très sale temps lorsque nous arrivons sur « La Côte Ensoleillée » ceinturée par une barrière de gros icebergs brumeux dont on devine qu’ils vêlent. Parce quand un iceberg rompt la glace, ça fait un boucan de tous les diables. Quand il est petit, ça claque comme un coup de fusil mais quand il est gros,c’est carrément la détonation, la déflagration , le bombardement qui donne froid dans le dos au propre comme au figuré.

Bref, même sous la pluie Saqqaq peut se la jouer station balnéaire avec ses plages fleuries de galets et de sables. Au pied de hautes montagnes et de petites falaises où l’on trouve des vestiges archéologiques de la civilisation Saqqaq (de 2400 à 800 avant J-C), on y devine l’emplacement des campements et des foyers de ces premiers habitants du Groenland. Et on imagine…

Encore aujourd’hui, on n’a rien oublié de cette vie en communauté. La municipalité de Saqqaq met à disposition de ses 180 habitants, 4 douches payantes et un salon lavoir avec machine à sécher. Heureusement que nous avons rencontré Jeff qui nous a briefé sur cette saine gestion de la collectivité. Sans lui nous n’aurions pas goûté au plaisir des « spas » de la Côte Ensoleillée, surtout quand elle ne l’est pas.

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