Maelström
Par Marc à 21:08 :: 2008 Bergen – Bodö
Il y a d’abord ce flux ininterrompu, ce torrent chaque jour renouvelé. C’est le moteur de la chose, la matière nourricière. Pas une fourmilière, pas une ruche bourdonnante, mais une immense machine, lancée à pleine vitesse, qui glisse… puissante, inarrêtable… Programmée, célestement programmée. Puis il y a les courants… et bien sûr les contre-courants. Ceux qui sont dans le courant, ceux qui vont à contre courant, ceux qui se glissent dans les contre-courants. Et forcément ça frotte, ça frictionne, ça tourbillonne…
Les grands tourbillons sont plutôt à gauche, les minoritaires à droite… Évidemment diront certains. Mais qu’ils se rassurent, 6 heures plus tard c’est exactement l’inverse. Et puis ces bouffées… ces immenses bulles qui éclatent en surface, ces immenses remontées d’égo qui jaillissent, qui s’étalent, s’ourlent de l’écume des choses, survivent quelques instants avant d’être bien vite absorbées par l’immense machine qui inexorablement s’écoule et poursuit son œuvre… Vous croyez en saisir une image, un discours, un sens, un message…et déjà il est effacé, place au suivant, au suivant du suivant… La marée n’attend pas, la machine ne s’arrête pas… Elle ne sert à rien… Ne fabrique rien, ne laisse rien…sinon qu’une formidable impression… Mais n’est-ce pas déjà tout ?
Ah oui… De quoi s’agit-il ? De la politique fédérale ? D’une rédaction radiophonique ? Mais non… juste du Saltstraumen, du plus formidable courant de marée du monde. 20 nœuds selon les guides touristiques… 8 selon les instructions nautiques… Peu importe la réalité des chiffres, le spectacle est là, c’est celui qu’on veut bien voir.
Le Saltstraumen, c’est à 30 kilomètres de Bodö, et dans la solitude de ce petit matin, c’est inoubliable.
Le Shabbat norvégien
Par Marc à 21:06 :: 2008 Bergen – Bodö
(Sylvie)
Pas d’avion, un service de bus minimum, opération ville morte, dans certains endroits. C’est samedi en Norvège où tout semble s’arrêter, comme à Jérusalem. Pourquoi ? Nous n’avons pas encore pu élucider la question. On nous répond « oui, c’est comme ça, c’est la tradition ».
Ok, on pardonnera pour le 17 mai, jour de la fête nationale. Quoi que…. Comment allons nous aller voir le plus fort courant du monde, le Saltstraumen dont regorgent toutes les brochures touristiques de Bodö ? Même les taxis (hors de prix) chôment. Après avoir tenté de déchiffrer, en norvégien dans le texte, tous les horaires de bus – que personne ne sait nous commenter, vendredi en fin de journée à l’office du tourisme – trois possibilités s’offrent à nous :
1/Renoncer à aller voir le plus fort courant du monde qui se trouve à 30km de Bodö et, dont Erik Orsenna fait un si bel éloge, dans son « portrait duGulf Stream »
2/Prendre un bus pour Saltstraumen à 17h30, mais sans espoir de retour
3/ Prendre l’express de 7h du matin, jusqu’à un bled situé à 15 km de Saltstraumen et faire le reste du trajet sur nos vélos pliables (ou à pied), avec un espoir de retour vers13h30.
Nous optons courageusement pour la troisième solution, version vélo. Ce fut la bonne. Sauf pour mes mollets, bien sûr
Bizarre tout de même cet sorte de Shabbat norvégien. Il faut dire qu’ici, les services existent, à condition de vraiment vouloir aller les chercher. Dans les bars ou les magasins, ils sont offerts aux clients qui le demandent avec la nonchalance polie de ceux que l’agitation n’atteint pas. D’ailleurs, rien n’est fait pour allécher le consommateur, dans les vitrines vous pouvez même voir le dos d’un rayonnage.
Léonie d’Aunet qui raconta son voyage au Spitzberg en 1839, notait déjà : l’art d’appeler l’acheteur par les séductions de l’étalage est totalement inconnue aux commerçants (de Tromsö), elle observait aussi avec une pertinence non démentie jusqu’ici : …région sereine et humble, sans rayons, sans orages que les cœurs fatigués regardent avec envie ».
Portez un Russ et tout vous sera pardonné
Par Marc à 20:56 :: 2008 Bergen – Bodö
Mais quelle est donc cette mode… cette étrange mode qui fait fureur chez les jeunes et qu’on observe depuis bientôt un mois. La mode salopette, bretelles sur les cuisses et patch cousus sur les fesses. Il y a les rouges et il y a les bleues.
Pas une mode en fait, mais une institution, un rite initiatique : celui de la fin de la scolarité obligatoire. Une période pendant laquelle il suffit à un jeune en fin de scolarité de porter cette étrange culotte pour être pardonné de tout. Une salopette en forme de passeport pour toutes les bêtises, tous les débordements, à commencer par les excès de boisson. Il y a les salopettes rouges (sections générale, littéraire ou commerciale) et les bleues (lycées techniques et industriels). Il est vrai que pour les jeunes, la fin de la scolarité est aussi synonyme de départ du cocon familial. Il n’y a que peu de villes universitaires en Norvège, et c’est donc loin de la famille que les jeunes s’en vont alors pour continuer leur formation. Mais l’amnistie compréhensive de toute la société s’arrête le 17 mai, jour de la fête nationale. Ce sera alors le temps du retour à la normale, aux traditions et à la patrie.
Pas d’ironie dans mon propos, mais une réalité : Le patriotisme norvégien n’est pas une légende. Il n’y a pas de maison qui se respecte sans un mât et un drapeau. Et le 17 mai, c’est l’ensemble de la population qui revêt le costume traditionnel, et chaque village connaît son défilé au son de la fanfare, les majorettes semblant bien la seule concession à une forme de modernité empruntée évidemment à l’Oncle Sam .
Jeff, le batelier de Bolga
Par Marc à 20:55 :: 2008 Bergen – Bodö
(Sylvie)
Même s’il rame un peu à contre courant, Jeff est sans aucun doute un des citoyens les plus zélés de Bolga, une île inattendue, située au large d’ Örnes. Importé de Californie dans cette petite communauté de 110 habitants, qui vit des produits de la pêche, Jeff s’est parfaitement acclimaté au nouveau monde où il a volontairement échoué avec sa femme (« bolguienne » de pure souche, partie étudier à Los Angeles) et ses quatre enfants.
Au premier abord, Jeff, bipède blond aux yeux clairs, pourrait parfaitement se confondre avec un descendant de Vikings (cf photo), à cette différence près que c’est un bipède communicant et expansif. Non pas parce qu’il parle quatre langues (l’anglais, of course, le norvégien, l’espagnol et le français avec un vocabulaire choisi et un délicieux accent), mais tout simplement parce qu’il est comme ça : affable curieux d’aller à la rencontre des autres et entreprenant. Outre son travail de traducteur et d’enseignant à Örnes, Jeff se plaît à faire un peu de promotion touristique pour son île et les belles ballades qu’elle offre, entre une côte sauvage et un piton rocheux qui s’ouvre sur panorama de début du monde.
Par la même occasion, il vous apprendra que si un jour vous avez envie d’une cure de solitude et de tranquillité, il loue la cabane rouge en bois, là bas, en bordure du port de pêche (Jeff@help.no).
Saura-t-on jamais si c’est la présence de Jeff qui a contaminé l’île ou si c’est dans la nature des Bolguiens d’accueillir les étrangers. Toujours est il que Bolga est un des rares lieux où les habitants nous ont spontanément salué, parlé, posé des questions, sans nous dévisager avec étonnement, sans mot dire. C’est sans doute aussi pour ça que nous avons eu un coup de coeur pour Bolga la douce.
Parlons navigation
Par Marc à 20:47 :: 2008 Bergen – Bodö
Le soleil revenu, la remontée vers Bodö se poursuit. Un mot quand même, puisque c’est un blog voile, des conditions de navigation le long de la côte norvégienne. Elles sont aisées mais pas forcément exceptionnelles pour la voile. L’essentiel du parcours se déroule en eau protégée. Fjords, passages entre îles, chenaux encaissés, innombrables roches, mais toujours balisées (il y a plus de 13’000 points de balisage le long des côtes !), c’est toujours confortable et toujours somptueux. Mais le vent est soit plein arrière, soit plein dans le nez. Il est de plus très tourbillonnant et très irrégulier du fait des reliefs. Les grains peuvent être violents. On ne fait donc pas beaucoup de voile et le moteur est très sollicité.
Côté carte, le suivi avec Maxsea est un délice et la précision des relevés étonnante. Côté météo, nous chargeons tous les matins un fichier météo sur le site Ugrib.com en utilisant le téléphone portable muni d’une carte SIM norvégienne prépayée. La couverture est pratiquement totale le long de la côte. Et chaque soir arrêt dans un petit port, généralement au ponton flottant visiteurs (le Gjestbrygge). La taxe est en général de 100 Nok, soit 20 frs, qu’on laisse dans une (honnesty box) une boîte à lettres. L’électricité quand il y en a est en plus. Mais à mesure qu’on remonte vers le nord, les douches (omniprésentes dans le sud) sont plus rares. Ou souvent encore fermées. Nous sommes encore tôt en saison. On ne voit d’ailleurs pratiquement personne. Un voilier hollandais l’autre jour de loin, et un français croisé hier.
Les escales depuis Christiansund (63°07’N-7°44’E).
-Rörvik (64°51’N), Skei (65°05’N), Möyhavn (65°24’N) ,Brönnöysund (65°28’N): Partout des pontons flottants visiteurs, mais le plus souvent tout est fermé.
-Sandnessjöen (66°01’N) : Port très actif avec un club nautique accueillant qui offre douches et machines à laver.
-Nordfjorden (66°35’N) : Mouillage très sauvage au pied des falaises. Isolement total à cette saison.
-Hollandfjord (66°42’N) : Pour voir le fameux glacier du Svartisen qui arrive au bord de la mer. Mouillage impossible, trop profond, et les pontons flottants sont encore démontés à cette saison. Le quai en pilotis est trop exposé, nous repartons de suite.
-Bolga (66°48’N): accueil chaleureux et gratuit à cette saison. Superbes ballades à terre.
-Selvagen, île de Fleina (67°06’N). Beau mouillage sauvage et parfaitement protégé.
-Bodö (67°17’N) (prononcez Boudeux) grand port, plusieurs pontons flottants encore bien occupés par les pêcheurs. Douches et machines à laver, mais pas facile de trouver le préposé aux jetons à cette saison. Et personne, pas même le préposé ne semble se soucier d’encaisser les taxes officiellement affichées. Pour la première fois, on voit quatre voiliers étrangers à l’escale. Deux Allemands, un Anglais et un Suédois.
66°33’ N : Il neige
Par Marc à 20:43 :: 2008 Bergen – Bodö
Réveil blanc ce matin, gris et blanc. Un coton glacé. Il a neigé cette nuit. Enfin… cette nuit, façon de parler puisqu’à cette latitude, il ne fait plus qu’une vague pénombre sous le coup de minuit. Et c’est finalement plus le ciel bouché, le plafond bas qui enserre le fond du Nordfjord qui donne une impression de pénombre ce matin.
Etrange atmosphère : c’est à la fois pesant, glacé, lourd mais aussi impressionnant et grandiose. Un sentiment d’isolement total. Il est vrai qu’on est pas loin du « trou du c.. » du monde. La preuve, le lendemain il était visible…
66°33’ Nord, c’est la latitude du cercle polaire, franchi dans la journée. Au moteur, une fois de plus. Il est vrai que si la semaine dernière avec la pluie, le vent de sud nous poussait à bonne vitesse, le retour du froid et du soleil est synonyme de vent de nord. Heureusement assez faible, ce qui permet au moins de gagner au moteur sans difficulté. Et de rester bien à l’abri de la capote. Car si la température avoisine les 5-6° ; avec le vent, c’est gants et bonnet obligatoires.
66°33’N, mi-mai c’est aussi le jour permanent. Ca laisse le temps d’arriver au mouillage… et de déguster les rayons jusqu’à pas d’heure..
De la côte inhospitalière au soleil des îles
Par Marc à 20:39 :: 2008 Bergen – Bodö
(Sylvie)
Le soleil, il n’y a que ça de vrai pour vous réconcilier avec l’ensemble du monde. Même à des températures polaires. Nous allons finir par le trouver, après quelques hésitations entre une navigation le long des côtés norvégiennes et un changement de cap vers la myriade de terres insulaires qui squattent le large du Nordland. Il faut dire qu’après Roervik le paysage change brusquement, les dos de baleine entre lesquels nous nous faufilions se transforment en montagnes aux cimes blanches et talquées jusqu’aux pieds. Les pics décoiffés par le vent les roches grises et pentues s’enchaînent avec un air de famille évident, comme les « Seven sisters » au dessus de Sandnessjoen.
Les guides nous vantent les beautés des fjords profonds et des majestueux glaciers qui y nichent ? Qu’à cela ne tienne : nous nous retrouvons mouillés au fin fond d’un Nordfjord dans un décor d’opéra wagnérien, avec effets de brouillards flottants, giboulées de grésil ou de neige et une sinistrose galopante qui nous fera fuir le lendemain même, ces rivages inhospitaliers.
A moins de dix milles de l’épaisse grisaille qui s’agrippe en permanence aux montagnes du littoral, le soleil brille sur Bolga et sur les autres îles, au point qu’à Fleina, dans le mouillage magique de Selvagen, nous avons dîné dans le cockpit et fait bronzette jusqu’à 22 heures.
Rira bien qui rira le dernier
Par Marc à 17:43 :: 2008 Bergen – Bodö
(Sylvie)
La médisance est toujours punie. Le soir même de notre départ de Rövik mes considérations l’absence du mot « gratuit » dans le vocabulaire norvégien ont été sèchement démenties. A peine avons-nous accosté au ponton de Skei, sur l’île de Leka, qu’un pêcheur nous a fait cadeau de « quatre » crevettes (non, pas des crevettes géantes, rassurez-vous), pour nous remettre de nos émotions.
Il faut dire que le brave homme avait suivi de loin la manoeuvre d’approche de Chamade dans un chenal parsemé d’îlots et de hauts-fonds et qu’il a bien dû se marrer en nous voyant soudain essayer de nous dégager du rocher sur lequel nous sommes restés accrochés quelques longues minutes. Vive la dérive pivotante…plus de peur que de mal puisque nous sommes finalement arrivés, sans dommage, à bon port. « You took the wrong way » nous a dit un peu narquois le pêcheur de crevettes. Eh oui, il fallait contourner un îlot de plus : une lecture désinvolte de la carte, ça ne pardonne pas dans les dédales norvégiens. Finalement nous nous sommes tirés d’affaire avec en prime quatre crevettes et le pêcheur, lui, a fait une bonne affaire puisque nous avons fini par lui acheter un demi kilo de ses bestioles pour 50 Nok (10FS).
C’est en se léchant encore les babines et sans un trou dans la coque que nous avons quitté le ponton de Skei (sous un sky toujours gris) pour celui de Möyhavn à la découverte d’un autre trou, un vrai celui-là, qui, à en croire notre guide maritime norvégien, creuse la montagne au dessus du port et ouvre tout grand la roche, de l’autre côté, à une vue splendide sur une enfilade d’îlots. Heureusement qu’une photo a été publiée pour étayer le propos. Parce qu’en réalité, nous n’avons rien vu du tout : le fameux trou, le Torghatten, atteint après une bonne heure de marche, était entièrement bouché par un épais brouillard, donnant au lieu des allures dantesques. Emmurés entre deux parois d’une centaine de mètres dont on ne distinguait pas le sommet dans la purée de pois, au fond d’un antre nappé de vapeurs infernales et remplies d’échos, nous avons entrevu la lumière du paradis, sans qu’il s’offre jamais à notre vue.
Dantesque, vous dis-je, et assez angoissant pour retourner rapidement (en stop) dans notre nid flottant et déguster un verre de Talisker à la santé du diable et des saints patrons de la météo.
Matin divin, matin chagrin
Par Marc à 17:39 :: 2008 Bergen – Bodö
(Sylvie)
Il y a des petits matins et des petits matins. Ceux des réveils éblouissants qui vous donnent envie de bouffer la vie – et les milles- à belles dents et ceux qui vous fâchent définitivement avec Dieu, Jupiter et autres créateurs du climat norvégien.
A moins que ce ne soit le contraire et que les Dieux soient définitivement fâchés avec moi. Sinon comment expliquer que partout où j’embarque, une dépression nous tombe dessus et que le soleil revient à peine j’ai débarqué… Même Marc qui n’est pas superstitieux, commence a se poser des questions, sans rien y faire paraître puisqu’il continue méthodiquement à prendre la météo tous les matins – avec le même résultat déprimant – en me promettant une amélioration pour les jours qui viennent..
Bref. Entre l’aube radieuse et l’aube pluvieuse, se sont écoulées une journée et une nuit norvégienne (3 heures et demie, à cette saison) de navigation entre des lambeaux de terres éparpillés par qui sait quel big bang sous-marin, flottants au ras de l’eau, magnifiques, dans leur désolation, hérissés de phares, balisés de perches, de bouées et de chenaux pour permettre au marin de rester dans le droit chemin. Navigation paisible, si ce n’est, aux horaires où ils se croisent, le bal des Hurtigruten mal léchés. La consonance plantigrade de cette appellation, est, à vrai dire, ma seule raison de lui accoler de cette épithète. Car, en réalité, l’Hurtigruten est une variété mutante de navire postal parfaitement fréquentable. Excepté lorsqu’ils vous déboule dans les fesses ou vous toisent, en vous croisant, avec un air de mépris poli.
Reproduit en 11 exemplaires, dans une lignée toujours plus raffinée, l’Hurtigruten a toujours eu pour vocation de sillonner inlassablement la côte norvégienne du sud au nord et du nord au sud, en onze jours.
A Rörvik où nous avons accosté au bout d’un ponton, le chassé croisé des deux Hurtigruten, a eu lieu à l’horaire prévu (20h30). Ils ont déversé sur le quai des escouades errantes et transies de touristes, en route vers le cap Nord ou inversement vers Bergen.
Que visiter en 45 minutes dans cet historique village portuaire de 2600 habitants, qui a vu la modernité débouler sous forme d’une pompe à essence, d’un brico-loisir et d’un supermarché ? Le «Norveg center for coastal culture and industries» qui planté sur le port se donne des allures de Guggenheim. Et puis, aux heures d’ouvertures, il y a la bibliothèque municipale, avec accès gratuit à internet, et une impressionnante collection d’ouvrages et de publication qui en dit long sur la boulimie de lecture des Norvégiens. On y trouve un rayon de littérature étrangère, anglophone et russe, essentiellement. En bons défenseurs de la francophonie nous avons voulu l’étoffer d’un livre français de notre bibliothèque de bord : « Une femme au Spitzberg » de Léonie d’Aunais. La jeune et affable bibliothécaire a accueilli ce cadeau avec une surprise non dissimulée :« You want to give us a book for free ? » Yes « for free » une expression qui, comme on vous l’a dit, ne semble pas avoir sa traduction en norvégien.
Des cités endormies
Par Marc à 17:29 :: 2008 Bergen – Bodö
29 avril, temps gros, on entre dans le port d’Älesund (prononcez ôlesund, avec un « ô » bref et tonique). Amarrage au fond du port, réputé bruyant le soir, terrasse des bistrots obligent.
Mais nous sommes fin avril… autant dire que les terrasses sont vides… Et pas seulement les terrasses, mais les rues aussi.
« Y’a quelqu’un ? » serait-on tenté de crier à la cantonade. La ville semble endormie. Les rues sont pratiquement désertes, quelques rares voitures se glissent à vitesse réduite et plantent sur les freins si vous montrez la moindre velléité de vouloir traverser. En fait comme partout en Norvège à cette saison, la vie est ailleurs. Elle est au cœur des centres commerciaux, des galeries marchandes où chacun musarde bien à l’abri. Reste que la ville et son architecture « Jugendstyle » est assez étonnante. Ville entièrement reconstruite après l’incendie de 1904 qui laissa 10’000 sans abri en plein hiver.
Et l’on fait des progrès en norvégien. A ce jour on connaît :
-tak : merci
-gleidlos ou guiglos qui veut dire curseur pour fermeture éclair. Celui du sac de grand voile qui vient de casser. A l’office du tourisme la charmante préposée se propose d’appeler un voilier pour savoir s’il dispose de la pièce. Et la voilà qui nous dit un peu étonnée que le voilier demande si l’on veut bien « un gleidlos for a lazy bag », littéralement «un zip pour sac paresseux » ! Tout juste ! Ah le vocabulaire marin !
On connaît aussi « gratuit » et « pas cher ». Facile, dans le dictionnaire français-norvégien, en face de ces mots, la ligne reste blanche…
Il existe bien « bon marché » : « Bum Pris » mais c’est une chaîne de supérettes qui essaie de faire croire que la vie est abordable par ici. C’est méritoire !
1er mai : Après une escale à Ona, minuscule village perché sur une île tout aussi minuscule, Chamade arrive à Christiansund. Là encore… « Y’a quelqu’un ? » Tout est fermé, tout est désert. Jean-Daniel se dit que décidemment le retour en Suisse aura du bon…
On finit par trouver un bar ouvert, pas trop désagréable pour une dernière bière, « Onkel » c’est son nom. Retenez-le… c’est le seul.
Merci au cuistot qui nous aura régalés comme d’hab…
3mai : Sylvie débarque… il pleut… mais tant pis, les tourtereaux sont réunis !
Le noeud de chaise ou l’arrogance du marin
Par Marc à 19:50 :: 2008 Bergen – Bodö
A quoi sert le nœud de chaise ?
A amarrer un bateau ? A fixer une écoute à un foc ? Peut-être…
Mais avouons-le, c’est avant tout le dernier bastion de la connaissance et du respect du capitaine ! Il y avait encore un temps où c’était l’art de la navigation astronomique qui imposait le respect et évitait la mutinerie. Mais à l’heure du GPS….
Reste le nœud de chaise…
« Allez matelot, réussit d’abord ton noeud de chaise, et en moins de 5 secondes… et après tu pourras causer… »
Et en ces printemps où les équipages reprennent lentement le contact avec la chose marine…ça marche…
Quel plaisir de voir ces mains s’entremêler, ces boucles ne pas se boucler, ces garants qui ne garantissent rien, ces courants qui filent à l’anglaise…
Longue vie au capitaine !
Et quelques heures encore d’arrogance possible !
Mais gaffe… tout fout le camp !
Les travaux d’Hercule
Par Marc à 19:47 :: 2008 Bergen – Bodö
« Gruezi ! »
Il vous accueille en suisse-allemand… Ragnar Hagen est ingénieur. Diplômé de l’EPFZ, en génie civil, spécialité en construction de pont.
C’est à Maloy que nous le rencontrons. Ragnar c’est l’homme du projet dont toute la région espère la réalisation : Le tunnel de Stad. Et quel tunnel… 1,8 kilomètre de long, mais 25 mètres de large, 12 mètres de profondeur et 40 mètres de hauteur ! Un tunnel maritime suffisamment grand pour permettre à l’Hurtigruten de passer. L’Hurtigruten, c’est le bateau postal qui relie Bergen au Cap Nord en 6 jours. Un départ quotidien dans chaque sens, une vraie institution, le fil d’Ariane de la côte norvégienne. Aujourd’hui, de véritables paquebots de croisière tout confort qui attirent les touristes amateurs de croisières nature insolites.
Et tout ça pour éviter le contour du Stadlandet, cette péninsule qui s’avance dans la mer à l’extrême nord-ouest de la Norvège. Le Stadlandet, considéré comme l’endroit le plus dangereux de la côte norvégienne : entre 1950 et 1988, 23 naufrages et 43 morts. Une sorte de raz de Sein local où Gulf Stream, courants de marée, faibles profondeurs, hautes falaises et vents forts s’allient pour rendre l’endroit invivable dès que le temps se dégrade. A tel point que les fameux catamarans rapides qui relient toutes les villes et villages au nord de Bergen s’arrêtent à Maloy, alors qu’en 1 heure à peine ils pourraient atteindre Alesund, puis Molde et Christiansund s’il n’y avait le fameux passage du Stad. Et c’est bien ce trafic que vise les promoteurs du projet de tunnel du Stad, en plus bien sûr des navires de plaisance, mais sommes toute assez peu nombreux par ici, à part durant juin et juillet.
Et ce fameux tunnel passerait sous l’isthme rocheux qui relie la presqu’île au continent, un isthme de granit de 250 mètres d’altitude. 3 ans de travaux selon Ragnar Hagen pour un budget de 400 millions de francs suisse, « des peanuts » pour le budget de l’Etat, puisque les excédents budgétaires cumulés de la Norvège atteignent 3000 milliards de dollars. Merci le pétrole ! Et pourtant, l’affaire traîne depuis des années, le gouvernement peinant à admettre le caractère prioritaire du projet. Pas une affaire d’argent, mais de macroéconomie. Le problème de la Norvège, c’est aujourd’hui de freiner les investissements locaux, les grands travaux locaux, de crainte d’aggraver l’inflation et la surchauffe économique qui en découle. Alors ? Pour quand le tunnel ? « J’ai été optimiste pendant 5 ans, puis pessimiste pendant 5 autres années, dit Ragnar Hagen, mais aujourd’hui j’y crois, je pense que ce sera pour dans 3 à 4 ans. »
Où l’on aggrave son crédit solaire
Par Marc à 19:38 :: 2008 Bergen – Bodö
265 jours de pluie par an, 4000 millimètres, 4 mètres d’eau par an ! Les statistiques météo de la région sont impressionnantes : ça fait tout de même 2 jours sur 3 ! Et voilà que depuis le 11 avril, soit tout de même 12 jours maintenant il fait grand beau… Pas un nuage… Rien pour rétablir l’équilibre, nous voilà avec un crédit minimum de 24 jours de pluie ! Bigre, on est pas pressé de payer nos dettes !
Reste que par ici c’est une chance exceptionnelle. De Bergen à Alesund la plus grande partie de la navigation emprunte des chenaux intérieurs, des fjords, des goulets, des îlots… Et des escales de rêves…
Comme à Hamnen… un ponton désert, 3 maisons, pas âme qui vive… Reste juste à gravir le sommet voisin et à jouir d’un paysage fabuleux…
« Maman les petits ponts de Norvège ont-ils des jambes ? »
Par Marc à 19:32 :: 2008 Bergen – Bodö
« Mais non petit nigaud, puisqu’en Norvège ils savent nager ! » A l’approche d’Hordvik, à 25 kilomètres au nord de Bergen, un pont barre l’entrée de l’Osterfjord. Un pont au ras de l’eau. Pourtant la carte est formelle, il y a 500 mètres de profondeur à cet endroit ! Pas possible : les piles du pont de peuvent pas mesurer 500 mètres de haut ! Et pour cause, puisque le pont qui supportent l’E39 qui relie Bergen à Trondheim, ce pont flotte ! Et de plus il monte et descend avec la marée.
Une structure métallique, sorte de long caisson d’acier d’un kilomètre de long, posée sur 5 énormes flotteurs en béton. Le tout amarré à chaque extrémité, et suffisamment souple pour suivre la marée qui atteint 2 mètres par ici. Et par-dessus la route qui finit par s’élever vers l’une des extrémités pour franchir un dernier goulet par un pont suspendu, permettant aux navires de pénétrer dans le fjord. Un projet qui aura fait couler beaucoup d’encre en Norvège, non pas à cause de son audace technologique, mais parce qu’il aura coûté au final le double de ce qui avait été budgété. A chacun ses NLFA !
Qui se ressemble s’assemble
Par Marc à 19:30 :: 2008 Bergen – Bodö
Un rayon de soleil à Bergen en ce début de printemps… c’est comme une averse au milieu du désert… La vie fleurit immédiatement. Et ce samedi, le centre de Bergen est noir de monde. Ça va et ça vient en parfaits badauds sur les quais de la ville, devant « Bryggen » la ville en bois, restes majestueux de la ville hanséatique, et désormais patrimoine mondial de l’Unesco.
Eu soudain un homme qui nous hèle en anglais « What’s kind of boat is it ? Isn’t it a Ovni ? » Et dès notre réponse positive, le voilà qui continue en français : « J’ai navigué sur un Ovni 36 il y a quelques années… » Un norvégien qui parle français, ça ne court pas les rues. Les réflexes du journaliste reprennent tout de suite le dessus… Voilà de quoi faire une bonne interview, un bon sujet pour Atlas… Je me présente donc… journaliste… et l’homme sourit :. « Moi aussi je suis journaliste… Dag Hellesund, du BA, le Bergensavisen, l’un des trois quotidiens locaux ». Dag a fait une partie de ses études à Rouen, et s’occupe de la rubrique des faits divers du BA. Mais il est aussi passionné de sa ville. De son histoire… et de Bryggen, ce quartier désormais menacé par la montée des eaux. Déjà régulièrement lors des grandes marées les fondations des maisons centenaires ont les pieds dans l’eau et le rez des boutiques est inondé. Pas bon, vraiment pas bon pour le bois…. Et du coup les projets de sauvetages naissent. Le plus probable, la construction d’une porte, d’une forme d’écluse à l’entrée du port, comme à Venise, et qui serait fermée à chaque grande marée.
Dag, nous le retrouverons 2 jours plus tard, à Eivindvik, à 90 kilomètres au nord de Bergen. Devant le village d’origine de sa famille, au fond du fjord, on trouve une petite île couverte de sapin. Et sur l’île, une petite cabane, une hytte, la maison de week-end de Dag, accessible uniquement en bateau. Pas d’électricité, un intérieur tout simple mais en bois chaleureux. Un style de vie typiquement norvégien, la semaine en ville au travail, et les loisirs dans la hytte à la montagne ou au bord de la mer, en pleine nature.
17 avril 2008: Toujours plus au nord professeur!
Par Marc à 09:39 :: 2008 Bergen – Bodö
10 avril, 19h, par une petite pluie fine, ce sont les retrouvailles avec Chamade. Jean-Daniel Favre est du voyage, fidèle équipier prêt à payer de sa personne pour les travaux de printemps, à commencer par le carénage.
Au premier coup d’oeil Chamade semble avoir passé un bon hiver. Au second, surprise, il y a quelques dizaines de litres d’eau douce dans les fonds. Il faut trouver la fuite. C’est assez vite fait: La pièce en plastique qui recouvre et rend étanche le passage de la pompe de cale manuelle s’est gondolé, sans doute sous l’effet du gel. Et c’est donc par là que l’eau s’est infiltrée. On pompe… au plus vite et on va noyer ses soucis à la pizzeria du coin. Enfin, noyer, tout est relatif. A 10 frs (6,5€) la bière on arrose avec retenue!
Puis dès le lundi Chamade est sur le slip du club nautique local. Simple mais efficace.
(1800 Nok pour 2 jours y compris le prêt du Karcher)
Une couche d’antifouling, un solide nettoyage, et Chamade est à nouveau à l’eau prêt pour de nouvelles aventures.
Et surprise pour cette région parmi les plus pluvieuses d’Europe, il fait grand beau. Froid, 0° la nuit, 10° la journée, mais très beau. Les couleurs sont superbes. On passe aussi au gaz norvégien, le propane.
Pas de problème d’installation, il suffit de changer le détendeur. Mais les bouteilles sont chères. 630 Nok (80€) la bouteille + 200nok de remplissage. Et pas de consigne prévue. Ce sera perdu au départ de la Norvège.
Enfin ce jeudi 17 avril, tout est prêt, il est temps de filer vers Bergen pour y recevoir les premiers équipiers. Et par ce beau temps, glisser au pied des montagnes enneigées, c’est juste un délice..
On se croirait sur un lac suisse! Enfin presque…
Norheimsund: lieu d’hivernage idéal
Par Marc à 09:22 :: 2008 Bergen – Bodö
Où est-ce? Où se trouve ce petit port si charmant et si tranquille pour y laisser un bateau tout l’hiver. Pour d’évidente raison de sécurité, j’ai préféré attendre ce printemps 2008 pour vous donner la clef de l’énigme.
Chamade a donc passé l’hiver à Norheimsund, au fond du Hardangerfjord. 70 milles par la mer depuis Bergen, un peu plus de 60 km par la route directe à travers les montagnes. Le port est très bien abrité, et vraiment agréable à vivre. Et surtout l’accueil est très sympa, merci à Gjermund Storas, le responsable de l’association qui gère le Gesthamn, le port pour visiteur.
Et sur place vous trouvez tout le nécessaire dans les nombreux commerces de ce centre régional. Et Bergen est à 1h25′ par le bus (toutes les 2 heures)
Et argument quasi définitif: le prix: 4200 NOK pour 6 mois (840 CHfrs, 500€)
Le port possède un site internet: www.nhshavn.no tel: +47 41 00 58 44 (mis à jour sept 2010)
Sur le site, une webcam qui vous permet d’avoir un oeil symbolique sur le bateau. Bref à recommander chaudement.