Le dernier voyage de Marco.
Par Marc à 10:32 :: Le lien du coeur: Des greffés en Russie
Il avait illuminé le bord par sa présence, attentif à tout et surtout à tous.
Marco est parti, au-delà de l’horizon, emporté par la maladie.
Nous savions que malgré la réussite de sa greffe du foie il y a maintenant trois ans, les médecins n’avaient pas réussi à guérir son hépatite. Mais cette rechute foudroyante nous laisse stupéfaits et bouleversés.
Seul réconfort, le témoignage de ses proches qui nous ont dit que Marco s’en est allé bien entouré et dans la sérénité. Et s’il fallait qualifier Marco d’un mot, ce serait bien celui de « sérénité », celle qui l’habitait, qu’il dégageait.
Une présence douce, mais une présence forte qui imprègne toujours Chamade aujourd’hui.
Marco, c’était un regard, sur le monde et sur les gens à la fois tendre et un peu décalé. C’était un homme sincèrement tourné vers l’autre. Nous garderons un souvenir ému de sa rencontre avec Anna, Irina Olga et Dmitry, les greffés d’Arkhangelsk.
En embarquant à Mourmansk, Marco n’était pas un marin. Mais en quatre jours il l’était devenu.
Quatre jours de face à face avec l’immensité froide de la mer de Barents, son brouillard, son ciel d’un gris métallique.
Partager ces moments avec lui fut un privilège. Un grand moment de bonheur et d’échanges. Marco, tu resteras toujours dans nos cœurs et bien présent à bord.
En terminant cette traversée, Marco avait écrit ces quelques lignes pour le livre de cette aventure russe :
Autant vous rassurer tout de suite, je ne suis pas un « homme de mer » encore moins un homme de montagne. Mon horizon c’était tout au plus le lac Léman, vu de Corsier, avec le Jura en arrière fond. Tout ce qui porte à la contemplation, rien à l’aventure.
Pourquoi donc avoir accepté l’invitation de Chamade?
Par solidarité d’abord.
Lorsque Sylvie m’a appelé, un jour de printemps, me demandant de me lancer dans ce qui semblait pure folie, j’ai tout de suite pensé à ce que je pouvais apporter à la cause du don d’organes.
Par curiosité ensuite, pour vérifier ma capacité à affronter un voyage extrême, loin de l’univers médical, deux ans après ma greffe de foie.
Mon voyage sur Chamade a débuté à Mourmansk, à l’extrême Nord-Ouest de la Russie, au delà du cercle arctique, posé sur une coquille de noix entourée d’immenses cargos, de toute sorte de bâtiments flottants et de brise-glaces au repos. Dépaysant, d’autant qu’en cette saison, le soleil ne se couche pas.
Comment vous décrire une traversée de 800 kilomètres, de Mourmansk à Arkhangelsk, sur la Mer de Barents, longeant la péninsule de Kola, jusque dans la Mer Blanche?
En un mot : magique.
Durant les quatre jours de voyage où nous nous sommes relayés, tous les deux heures, sur le pont du bateau, l’exercice a été autant physique que métaphysique : plus de notion du temps, un horizon déchiré, entre coups de soleil, nuages, brumes, vent et orages, un esprit libéré. Encore une fois …magique.
Aujourd’hui, je me sens un peu plus, un homme de mer.
Marco, Arkhangelsk, 26 juin 2009
Forum sur la transplantation : la greffe prend entre la Suisse et la Russie
Par Marc à 23:49 :: Le lien du coeur: Des greffés en Russie
(Par Sylvie)
Comment est-il Andrey ? Grand, petit, blond brun ? Je me posais tout de même la question, en arrivant à St-Pétersbourg. Andrey, jusqu’ici, c’était une voix au téléphone et une relation virtuelle, un échange de mails.
Andrey travaille à la Croix-Rouge de St-Pétersbourg et c’est lui, qui depuis le mois de février, s’est occupé d’organiser LA « rencontre russo-suisse du 12 août». Celle qui devait clore le projet Chamade 09, en mettant en contact des hôpitaux suisse et russe pour une éventuelle coopération dans le domaine de la transplantation. Eh bien, grâce à Andrey, elle a eu lieu cette rencontre, entre des représentants de la Pavlov Medical State University de St-Pétersbourg et des représentants du CHUV.
A peine amarrés dans le Yacht-Club « Central River » (le plus huppé de St-Pétersbourg mais le seul habilité à recevoir des bateaux étrangers) nous avons pris contact avec Andrey et dès le lendemain nous avons été reçus très chaleureusement par le staff de la Croix-Rouge et sa Présidente, la sémillante Tatjana Lineva. J’ai pu constater à cette occasion qu’Andrey n’était ni très grand, ni très petit, ni blond ni brun, puisqu’il a le crâne tondu, et qu’il est très sympathique.
Le 12 août, le grand jour est arrivé. En présence de la Consule de Suisse à St-Pétersbourg et des hautes autorités de la faculté de médecine de l’Université Pavlov, le Docteur Giangiorgio Tozzi, chirurgien cardiaque, spécialiste de la transplantation, a présenté les différentes méthodes (de la pompe d’assistance cardiaque à la transplantation) utilisées au CHUV, dans son domaine.
Puis Nathalie Pilon, coordinatrice du Centre romand de transplantation, a exposé le système de coordination mis en place en Suisse pour gagner en efficacité et rendre le don d’organes plus opérationnel. Une question qui a beaucoup intéressé le corps médical russe et le Doyen de la faculté, aux prises avec de grosses difficultés d’organisation au niveau national.
Le Professeur Galibin, spécialiste de la transplantation des reins, l’a expliqué : Le système russe (basé sur la présomption d’acceptation du don d’organes et non le don volontaire, comme en Suisse) s’est toujours heurté à la suspicion des citoyens et à des considérations religieuses Il est par ailleurs trop centralisé pour être efficace et pour impliquer les hôpitaux régionaux. Il manque totalement de coordination, non seulement au niveau géographique, mais aussi entre les services d’urgences et les services de transplantation. D’où les pressions qui sont faites actuellement auprès de Moscou, pour changer la loi, jugée par ailleurs trop restrictive.
Marc a ensuite présenté le projet « Chamade » qui intéressait plus particulièrement la presse, très impressionnée aussi par le témoignage de Harold. Tout le monde a été très touché par le récit de sa vie de transplanté des deux poumons et d’un rein qui lui a été donné par sa femme. Une preuve d’amour qui va droit au coeur des Russes.
Pour finir, le Doyen de la Faculté a proposé que Chamade se transforme en Arche de Noé pour que tout le monde concerné par le don d’organes et la transplantation puisse naviguer vers des horizons meilleurs.
Reste surtout à espérer que cette journée d’échange sur le thème de la transplantation pourra se prolonger par une coopération entre le CHUV et la Pavlov State Medical University.
Andrey, lui est persuadé qu’il faut foncer dans la brèche et mettre sur pied de vraies campagnes d’information sur le don d’organes, dont les Russes ne savent rien ou presque. « Lorsque quelqu’un a besoin d’une transplantation, il ne sait même pas à qui s’adresser », souligne-t-il, en espérant que la Croix-Rouge puisse jouer un rôle actif dans ce domaine.
En attendant, merci à la Croix-Rouge de St Petersbourg, à Tatjana et à Andrey qui ont œuvré sans compter à la réussite de cette rencontre. Merci aussi à Jean-Paul Périat (Président de l’Association Suisse-Russie) qui nous a mis en contact avec eux et merci à Julie qui a bénévolement assuré la traduction d’une partie des débats. Tous sont devenus des amis de « Chamade », c’est-à-dire nos amis. Et nous nageons dans la félicité.
A propos de félicité, Andrey nous a donné la définition russe du paradis : « De la nourriture chinoise, une maison anglaise, une femme russe et un salaire américain » Et l’enfer ? « De la nourriture anglaise, une maison chinoise, une femme américaine et un salaire russe ».
J’adore l’humour russe !
Petrozavodsk : une nouvelle rencontre entre greffés
Par Marc à 14:28 :: Le lien du coeur: Des greffés en Russie
A Petrozavodsk une nouvelle fois la porte s’est ouverte pour une nouvelle rencontre entre greffés suisses et russes. C’est avec Sandra menthonnex, greffée du cœur, que nous nous sommes rendus à l’hôpital de la ville pour y rencontrer 8 greffés du rein réunis autour du docteur Alexander Vassilievich.
Une rencontre une fois de plus émouvante, permettant à Sandra de découvrir les réalités et les difficultés de la transplantation en Russie. L’occasion de mesurer les sacrifices consentis par ces nouveaux amis pour s’offrir une nouvelle vie. Rencontre à l’hôpital emprunte de solennité, suivie d’une soirée au bateau où les rires et les sourires nous auront une fois de plus émus.
L’occasion aussi de mesurer une nouvelle fois l’intérêt des médias russes pour le sujet. 3 reportages y ont été consacrés sur les chaînes de télévision publiques et privées de Carélie. Et le quotidien local a publié également un article et une interview faite avec Harold, greffé des poumons et du rein, tout juste arrivé de Suisse pour prendre le relais de Sandra comme équipier de Chamade.
La suite, ce sera à St Petersbourg, avec le Forum sur la transplantation, organisé le 12 août par la Croix-Rouge locale à l’occasion du passage de Chamade. Forum qui réunira médecins et spécialistes du CHUV de Lausanne et de l’Institut universitaire Pavlov de St Petersbourg, le début d’une collaboration que les 2 institutions veulent mettre en œuvre.
Une rencontre inoubliable
Par Marc à 20:38 :: Le lien du coeur: Des greffés en Russie
html//////
La lettre d’Anna
Par Marc à 20:32 :: Le lien du coeur: Des greffés en Russie
C’était il y a un mois. Alors que nous étions encore en Norvège, Olga, étudiante en français d’Arkhangelsk, et future interprète lors de notre séjour, nous faisait parvenir cette lettre d’Anna, une jeune greffé russe. Il est des lettres qui valent mieux qu’un long discours:
»Bonjour !
Je m’appelle Anna. J’ai 28 ans et je suis greffée du rein depuis presque un an. C’est l’histoire de toute ma vie. La vie malgré les maladies, les règles et les stéréotypes de notre société.
Je suis née dans une famille ordinaire à Arkhangelsk. Dans mon enfance j’étais passionnée pour le patinage artistique, pour la natation et pour la musique, je jouais du piano et j’adorais chanter. Je n’ai presque jamais été malade.
A 11 ans les médecins m’ont trouvé le diabète. Le plus terrible dans mon enfance c’étaient les regards piquants des gens autour de moi et l’incompréhension des amis de l’école, les hôpitaux et les piqûres doloureux. Pendant la première année de ma maladie j’ai été obligée d’abandonner le sport et puis l’école musicale. J’avais peu d’amis parce que j’avais un emploi du temps très strict – l’insuline, le repas, les médecins. Mes intérêts différaient maintenant de ceux des personnes demon âge et elles ne m’apercevaient plus.
Depuis mon enfance j’aspirais à devenir médecin et chercher les moyens du traîtement des diabétiques. Toute ma vie ultérieure était vouée à l’étude de biologie, de génétique, de physiologie et ainsi de suite. Je n’ai pas pu entrer à l’Université de médecine à cause de ma mauvaise santé. Alors je suis entrée à la fac de biologie. Malheureusement il n’y avait pas de matières qui m’intéressaient là-bas mais je savais que mes parents ne me laisseraient pas partir à Moscou pour faire mes études et j’apprenais ce qui m’intéressait aux bibliothèques et sur Internet.
Pendant ma première année à l’université je suis tombée malade et j’ai été obligée de prendre un congé académique. C’était là que j’ai été proposée de faire mes études à Moscou. J’ai accepté et j’ai obtenu mon diplôme de psychologue 2 ans après.
Puis j’ai appris l’existance de l’Institut d’Albumen. Après la troisième année de mes études en bioligie j’y suis entrée et je suis allée à Moscou pour y faire mes études. C’était l’époque la plus heureuse de ma vie. Je faisais ce dont j’ai rêvé toute ma vie.
Mais je ne pouvais travailler dans le domaine de l’ingénierie génétique non plus à cause de l’état mauvais de ma santé. Je suis revenue à Arkhangelsk sans diplôme mais avec les connaissances médicales. J’ai recommencé ma vie.%% A Arkhangelsk j’ai trouvé le travail et je l’adorais. Il prenait tout mon temps libre. Mais malheureusement quelque temps après mes reins ont presque cessé de fonctionner. Je savais ce que c’est non par ouï-dire et le mot hémodialyse était pour moi quelque chose de terrible. La situation était difficile, je ne pouvais pas reçevoir de thérapie néphrétique compensateur parce que les diabétiques n’avaient pas le droit de s’exposer à la dialyse. Ma maladie a progressé pendant 2 ans.
Mais il est venu un jour où ma fonction rénale résiduaire ne suffisait plus pour soutenir ma vie. J’ai passé 3 mois a l’hopital dans un très mauvais état en attendant le dernier verdict des médecins. J’avais peur mais je ne croyais pas que tout était fini. Un jour j’ai même acheté un vélo dont j’avais rêvé depuis mon enfance. Et un miracle s’est produit. Le service de dialyse péritonéale a été ouvert dans notre ville. J’ai été parmi les 3 premiers patients.
Ma vie recommençait. J’étais heureuse. Tout simplement parce que je vivais. Je me suis mise à faire des patins à roulettes et du vélo et penser comment je pouvais aider d’autres gens souffrant de cette maladie et changer la vie autour de moi. Je menais une vie très active malgré les règles imposées par les médecins.
La transplantation du rein de ma mère a été décide et pour cela il lui a fallu de perdre 20 kg. Le 17 juin 2008 j’ai été greffée.
Maintenant je travaille à l’organisation interrégionnale des infirmes néphrologiques Le Droit à vivre. J’apprends à faire valoir mes droits et ceux des gens malades. Je m’occupe de l’activité de bienfaisance et j’explique nos problèmes et les voies de leurs résolution à ceux qui ont la passibilité de le faire. Je voyage beaucoup.
Maintenant je suis heureuse et j’ai un seul rêve – d’avoir un enfant. Et les médecins croient que c’est possible. Je sais que je réussirai parce que j’ai mes vrais amis près de moi et ma foi
Et encore je voudrais ajouter qu’il ne faut pas jamais capituler. En aidant autres gens j’aide moi-même. C’est ça le sens de ma vie ».
Faut-il ajouter que nous nous réjouissions de la rencontrer!
Chamade : « Le lien du cœur » Rencontre à Mourmansk
Par Marc à 21:06 :: Le lien du coeur: Des greffés en Russie
Une rencontre qui a eu lieu à l’hôpital régional de Mourmansk.html//////Une rencontre riche en émotion, durant laquelle nous avons pu percevoir à quel point Gisèle apparaissait comme privilégiée. Elle qui avait pu recevoir un rein nouveau et échapper à la dialyse. Juste un rêve pour ces malades russes. Car ici la greffe est rarissime. Non pas que les médecins n’aient pas la compétence, mais tout simplement parce que la greffe est très rare en Russie. Ici pas de système organisé de don d’organe, de liste d’attente. Ici c’est au malade d’organiser sa greffe, de trouver un institut capable de réaliser cette opération. Et la greffe a mauvaise réputation. Jusqu’en 2003 les médecins pratiquaient souvent des prélèvements dans une totale opacité et ils étaient surnommés « les médecins tueurs ». Mais la nouvelle loi désormais interdit ces pratiques, sans pour autant avoir mis en place un système transparent basé sur le don volontaire et gratuit. « Le système suisse ne pourrait pas fonctionner ici » nous dira spontanément une enseignante rencontrée en ville.
Mais ce n’est que partie remise, à Arkhangelsk nous devrions rencontrer Anna, une greffée du rein qui milite dans l’association « Le droit de vivre ». De quoi échanger de nouvelles expériences entre greffés suisses et russes.
Et de continuer d’en parler comme ici, pour Gisèle, sur les télévisions locales.