A la recherche du temps présent

Si le temps c’est de l’argent, les Inuits ne deviendront jamais riches. Parce que le temps pour ceux qui vivent dans le nord du Nunavut, se conjugue uniquement au présent : c’est ici, maintenant et… au moment où  ça me chante.  Lorsque nous demandons à un sculpteur de Gjoa de nous réserver  le magnifique ours en pierre qu’il  est en train de tailler. Il ne « peut » pas, parce qu’il a besoin  dans l’immédiat de 40 « box » pour aller acheter le dîner pour sa famille.  Ce qu’il fait séance tenante dès qu’il a ses 40 dollars d’acompte  en poche, en nous promettant  sa sculpture pour le lendemain   « Ce ne sont pas des entrepreneurs. Ils vivent dans l’instant présent. S’ils gagnent de l’argent, ils le dépensent instantanément pour leur besoins (ou envies) immédiats. Ils peuvent te vendre la même chose au prix d’un paquet de cigarettes, s’ils ont envie de fumer ou au prix d’un fauteuil, s’ils ont besoin d’un fauteuil », caricature le chef d’entreprise qu’est  Bruno. Le travail sur appel semble mieux leur convenir qu’un emploi régulier à plein temps. Inutile donc de s’interroger plus longuement sur le fait que les «Blancs » -comme on dit ici -, emploient si peu d’Inuits, ni sur le fait que la formation des jeunes  demeure très aléatoire.

« L’absentéisme, c’est notre principal problème », admet Nicolas qui enseigne au collège de Gjoa. L’été, les enfants jouent dehors jusqu’à deux ou trois heures du matin et dorment comme des souches à l’heure de l’école ». Leur manque aussi, sans doute la motivation. Car les débouchés professionnels à Resolute ou à Gjoa, ne permettent pas d’envisager un avenir radieux.  Et puis les Inuits ne sont pas matérialistes pour un sou.  « Que feriez-vous  de votre argent,  si vous gagniez  un million de dollars à la loterie » ? A cette question, une bonne partie des élèves de Nicolas  répondent : « rien » ou alors « j’achèterai une maison pour les parents et mes grands parents ». Quelques  ados seulement rêvent d’un quad  Honda ou d’un skidoo.

Le skidoo qui a remplacé la luge l’hiver et le quad qui, outre la frime devant les copains, permet  aux familles de passer des « vacances »  à l’intérieur des terres, de partir camper pour chasser et pêcher comme  en d’autres temps. Sinon, les jeunes Inuits occupent leurs loisirs à jouer au foot, au hockey et à se préparer à  des joutes sportives intercommunautaires où le «  jump-kik » remporte un franc succès. Il s’agit de sauter sur une jambe pour atteindre de l’autre une cible placée de plus en plus haut.  Les chorales aussi sont très populaires avec cette façon très particulière et très gutturale qu’ont les Inuits d’utiliser leurs cordes vocales.

Le cul entre leurs traditions et le modèle américain, les Inuits cherchent leur chemin, au jour le jour,   quitte à se perdent souvent dans les réalités du moment.

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