À tribord, l’île de Chiloé, la plus grande île du Chili après la terre de feu ( 1/5ème de la Suisse) « Je suppose qu’aucun endroit au monde n’est aussi pluvieux que l’île de Chiloé , écrit Charles Darwin en 1834, lorsqu’il s’y arrête, sur la route de la Patagonie. En hiver, le climat est détestable, et en été, c’est à peine mieux ». Chiloé, la grise.
C’est vrai qu’il pleut beaucoup. Mais nous avons tout de même eu la chance, en ce début de printemps austral, de nous faufiler à travers un bout de l’archipel ( îles et îlots) sous le soleil, de jeter l’ancre non loin des parcs à saumon qui squattent la plupart des baies. Voici Chiloé la verte, dans ses habits champêtres : verts tendre des pâturages, verts bouteille des bocages, verts chasseur des bosquets. Verts éclaboussés par l’explosion des genets de Patagonie. Jaune sur vert et parfois les taches blanches de quelques moutons.
Longtemps, Chiloé a revêtu les couleurs de l’Espagne. Enjeu des guerres coloniales entre les Hollandais et les Espagnols, au XVIème siècle, l’île est tombée dans l’escarcelle du roi d’Espagne dont elle est restée le dernier bastion en Amérique du Sud. Sur la place centrale de Castro, les fiers conquistadores ont encore leur place.
En fait, après s’être révoltés contre l’occupant, les natifs du lieu, majoritairement des indiens Chonos et Huilliches (branche Mapuche) convertis au catholicisme par les Jésuites, ont fini par devenir de fervents sujets de sa majesté et de son Dieu. Parmi les 150 églises en bois construites dans l’archipel, à l’époque coloniale, 16 sont aujourd’hui classées par l’UNESCO, au patrimoine mondial de l’humanité.
Pourtant les Chilotes, les habitants de Chiloé, sont restés jusqu’au bout fidèles à la couronne espagnole. Lorsque les Chiliens en pleine guerre d’indépendance ont chassé les Espagnols de Chiloé, les habitants de l’île auraient appelé la couronne britannique à la rescousse pour éviter de tomber entre les mains chiliennes. Ils ne voulaient pas du drapeau républicain bleu, blanc rouge avec son étoile. Mais on ne leur a pas donné le choix. Chiloé a été annexée au Chili le 22 janvier 1826.
Aujourd’hui Chiloé est une île bien développée qui vit du tourisme, de l’élevage de poisson et de moules, de la récolte d’algues destinée à l’industrie alimentaire ou cosmétique.
Est-ce pour conjurer la tristesse de son climat que les villes et villages de Chiloé se maquillent de toutes les couleurs. Castro ( Santiago de Castro ), la capitale de l’archipel est entièrement bariolée. Un vrai patchwork. Des maisons sur pilotis qui bordent la mer, aux maisons perchées sur les collines, en passant par les rues, les bateaux, les bus.
