Friendly Cove, ou les prémices du droit de la mer

Nous sommes le 7 août 1774, devant une petite baie située à l’entrée du Nookta Sound, au fond de laquelle se niche Yuquot, le village d’été de la tribu des Mowachahts. Au loin surgit soudain une « pirogue » d’une grandeur incroyable : Le « Santiago », commandé par l’Espagnol Juan Perez, le premier navigateur européen à longer cette côte.  Il jette l’ancre, mais ne descend pas à terre. Il se contente de nommer cette baie San Lorenzo et repart dès le lendemain.

Il faudra encore attendre près de 4 ans, jusqu’au 30 mars 1778 pour qu’un premier contact effectif ait lieu entre les « Indiens » et les Européens. C’est James Cook, alors à la recherche (déjà) du Passage du Nord-Ouest, qui relâche dans la baie pour y faire quelques réparations. Il trouve les indigènes si accueillants qu’il baptise l’endroit « Friendly Cove ». Cook en profite surtout pour acquérir des fourrures de Sea Otters (loutres de mer). Il y fait même de si bonnes affaires que très vite la rumeur se répand et que les Espagnols, alors inquiets de voir un nouveau commerce leur échapper, reviennent prendre possession de la côte en invoquant le traité qu’ils ont signés en 1494 avec le Portugal, traité  attribuant à l’Espagne la souveraineté sur l’Océan Pacifique (rien que ça !)

Mais les Anglais ne l’entendent pas de cette oreille et la tension monte…

De quoi inquiéter le chef Maquinna, de la tribu des Mowachahts qui voit son commerce de fourrure mis en péril. Le voilà donc qui accueille à « Friendly Bay » le capitaine anglais George Vancouver et l’Espagnol Juan Bodega y Quadra pour une série de négociation.

Peu soutenu par son gouvernement, Quadra finit par s’incliner et les deux marins signent en 1792 une première convention, qui sera suivie en 1794 par la « Convention de Nookta » qui prévoit le libre droit de navigation en
haute mer pour les navires de commerce. Le monopole espagnol sur le Pacifique est enterré ! Et l’Espagne confrontée à d’autres soucis laisse les Anglais prendre le contrôle de la côte ouest de l’île de Vancouver.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là pour les Mowachahts. En 1803, suite à une altercation verbale violente avec le capitaine Slater du « Boston », les hommes du chef Maquinna s’empare du navire, tuant tous les hommes d’équipage, sauf un jeune forgeron, John Jewitt, dont les talents impressionnent Maquinna qui le garde comme esclave. Riche de sa prise de guerre Maquinna devient le chef le plus respecté de toute la côte. Mais deux ans plus tard il est capturé par les Anglais qui libèrent Jewitt. Alors que le chef est voué à la potence, Jewitt intervient et obtient sa grâce. Maquinna est libéré. Mais les contacts avec « l’homme blanc », ses maladies et l’alcool vont faire finalement le même effet et, peu à peu, les Mowachahts disparaitront presque tous.

N.B : Si en 1895 le village Mowachahts était encore bien habité, aujourd’hui il n’en reste rien. Sur place seuls demeurent le « watchman », le gardien des lieux, et une église construite en 1956, ornée de 2 vitraux offerts par Madrid et illustrant la présence espagnole du 18ème siècle. Une église remise à la tribu locale qui s’est empressée de la décorer de totems bien païens !

A l’extérieur si le dernier totem familial s’est effondré, retournant à la nature comme le veut la tradition « indienne », sur l’îlot du phare, la stèle commémorant la négociation de Vancouver et de Quadra reste debout, une stèle en pierre, indestructible, comme le veut la tradition occidentale !

Tout un symbole !

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