Gjoa Haven Le businessman, l’idéaliste et l’artiste

« Il était une fois dans l’ouest », « Le bon. La brute et le truand » ou encore « Pour une poignée de dollars », Gjoa Haven, c’est tous les trois à la fois.

Bruno :

A peine le pied mis à terre que nous voilà déjà abordés : « Welcome to Gjoa Haen… where are you coming from ? » Le contact est facile, tout le monde parle l’anglais, voilà qui nous change du Groenland. « From Switzerland ». « Oh, you have to see Bruno, the manager from the Cap Enteprise, he is swiss… he lives here, in the red house… » Décidemment, y’a-t-il un coin où l’on ne retrouve pas un Suisse expatrié ? Un escalier et deux portes plus loin, l’accueil est chaleureux. Bruno a la cinquantaine, le cheveu juste grisonnant et la tête bronzée de l’aventurier. Personnage solaire il suscite immédiatement le sympathie. Suisse-allemand faut-il préciser, Bruno a quitté le canton de Saint-Gall il y a 17 ans pour venir s’installer comme paysan dans l’0ntario. 12 ans à traire ses 80 vaches avant de revendre le domaine et de se lancer dans le domaine de la construction. C’est ainsi qu’il fait la connaissance du propriétaire d’une entreprise de construction installée là-haut, tout là-haut dans le grand nord, à Gjoa Haven. Le temps d’un voyage exploratoire et le voilà propulsé manager de la CAP, une entreprise aux mains de 3 co-propriétaires, dont deux sont des Inuits de Gjoa Haven. Le village connaît justement un boom incroyable, les besoins sont énormes, il faut construire un dispensaire, un centre social et de nombreuses maisons. Depuis 4 ans maintenant, Bruno ne chôme pas et fait un « good business ». Heureux à Gjoa Haven ? A coup sûr, mais surtout parce que son job le passionne et l’amuse. Le « challenge » est de réussir à faire tourner la boîte malgré les difficultés climatiques, sans parler des différences de culture. Ses contacts avec la population locale ? Excellent et empreint de respect. Mais Bruno garde tout-de-même ses distances. « Je fais du business avec tout le monde, et si je m’impliquais trop dans la communauté, je me retrouverais vite au cœur des « bringues » et petites disputes interfamiliales inévitables dans un lieu aussi isolé. Et puis, il l’avoue bien volontiers… qui dit « Good business » dit aussi « good money ». Bruno se fait de l’argent et reconnaît bien volontiers que sans cela, il ne resterait pas si longtemps dans un coin aussi isolé. « Encore 5 ans, puis je retourne mener la belle vie au sud »… dans son Ontario d’adoption.

Nicholas :

«A 100%, nous voulions venir travailler dans une communauté inuit, et nous voilà ici depuis 3 semaines » Avec sa compagne, elle aussi professeur, Nicholas vient d’entamer l’année scolaire comme professeur de 7ème année. Les voilà chacun à la tête de leur classe dans cette école secondaire qui compte près de 150 élèves. « Venir ici, c’était quelques chose que j’ai toujours voulu, pour pouvoir accomplir une tâche dans ma vie. C’est une expérience difficile mais que je voulais faire. C’est une manière d’apporter quelque chose à mon pays. » Nicholas, surpris à sa descente d’avion par le paysage quasi lunaire de l’endroit, le sable, la poussière, pas le moindre arbre et le jour permanent. Mais que s’est plongé de tout son cœur dans cette nouvelle tâche, « mission » devrait-on dire. Sûr d’apporter à ses élèves non seulement le savoir, mais aussi une autre culture, une ouverture, une autre connaissance. Nicholas qui ne se contente pas seulement de ses heures d’enseignement. Le voilà déjà entraineur et manager du club de football local. Un dévouement total, l’accomplissement d’un rêve, d’un profond désir de construire. Et qui n’est pas venu ici pour gagner un peu plus d’argent qu’en restant au sud. « Nous voulons rester ici au moins dix ans, pour pouvoir travailler dans la durée. En deux semaines je me sens déjà chez moi ici » Pour dix ans à Gjoa Haven avec toute la force et la confiance qui porte les idéalistes !

Loui:

« Moi je travaille toujours dehors, même en hiver, parce que dedans, ça ferait trop de poussière pour la famille ». A peine la conversation entamée, Loui me montre ses doigts et quelques belles cicatrices. « En hiver on est souvent plus maladroit ». Il est devant sa maison dans le quartier du port de Gjoa Haven. Loui est sculpteur, il me montre ses outils, des meuleuses électriques qui lui permettent de tailler la pierre (pierre à savon ou soft stone en anglais) et la corne de caribou ou de bœuf musqué. D’ailleurs une tête de bœuf apparemment fraîchement tué trône devant sa porte. « Vous pourriez me montrer comment vous travaillez ? ». Aussitôt Loui ramasse un déchet, un copeau de corne dans le sable et se met à le tailler à l’aide de sa meuleuse. Quelques mouvements de démonstration, puis l’idée lui vient de transformer ce morceau en pointe de harpon. Un peu d’effilage, un peu de meulage, un petit trou au milieu… tout en discutant de la vie au village « c’est mieux maintenant, on a des maisons chauffées et puis on peut s’acheter un quad… et nos enfants vont à l’école… » et hop la pointe est terminée en 5 minutes. « Tu la veux ? » Evidemment… ça fera un souvenir. «20 dollars ! » me dit Loui avec un petit sourire. Comment refuser ? Il y a le bon… y’a pas de brute… mais y’a le truand ! Quoique, avec un tel sourire… ça passe !

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