La leçon de Jonathan

(Par Sylvie)

« C’est ce que j’ai connu de meilleur depuis mon arrivée à Tabal, en août dernier ». Dans le cockpit de Chamade, Jonathan ne cache pas son bonheur de déguster une bière et de grignoter des Pringles, avant de pouvoir manger de la salade, du poulet et des pâtes, avec un verre de vin. Tous ces petits riens dont il est privé depuis six mois, lorsqu’on l’a envoyé enseigner l’anglais et les maths, à l’école primaire de Tabal, dans l’atoll d’Aur.

En fait personne ne l’a obligé à venir vivre dans ce motu perdu des Marshall. Car à 23 ans, ce jeune Britannique, diplômé d’une business school de Boston a choisi de s’engager comme volontaire dans l’ONG américaine « World Teach » que le gouvernement Marshallais sollicite volontiers. C’est qu’à la fin de ses études, Jonathan ne voulait pas travailler pour « faire de l’argent. « Quand World Teach a accepté ma candidature, j’ai passé en revue les destinations possibles, explique-t-il. Je voulais partir dans un endroit où je n’irais jamais en vacances. Quand j’ai vu les photos des Marshall, les lagons, les plages et les cocotiers, je me suis dit woah, ce doit être le lieu idéal…. ».

Voilà comment Jonathan est passé, sans transition (mis à part un stage de formation de trois semaines à Majuro), du campus de l’université de Boston, sur un îlot de moins de 2 km2, dans le gourbi d’une famille d’accueil où il est logé et nourri, invariablement de riz et de poisson frais ou en boîte. Papa et Mama, ses parents d’adoption lui ont réservé ce qu’ils avaient de mieux : un cagibi de planches en contreplaqué, avec un matelas à même le sol et juste un soupirail grillagé pour laisser passer l’air, les moustiques et parfois même… les rats. Pas d’eau courante bien-sûr, un peu d’électricité grâce au panneau solaire de Taiwan. THE choc ! Jonathan en rit aujourd’hui. Tout de même, il a le privilège de pouvoir bénéficier de toilettes (un trou sur une fosse septique, dont les familles d’accueil doivent obligatoirement s’équiper), alors que la population fait tout naturellement ses besoins dans le lagon.

Dès que le soleil se lève, Jonathan doit quitter son réduit sous peine de mourir de chaleur. Pas grave. L’école commence à 8 heures. Une jolie école toute neuve et bien équipée où les profs ont accès à un wi-fi rédhibitoire: « ça me prend une heure et demi pour envoyer un mail de trois lignes, donc  useless » ! En classe, avec ses élèves (il en a en tout une trentaine) dont il connait maintenant chaque prénom, Jonathan a très vite compris qu’il était aussi « useless » de vouloir imposer la moindre discipline. Les enfants sont fantasques, se lèvent, bavardent sortent de classe et reviennent quand bon leur semble. Ils sont là en dilettante, comme d’ailleurs la plupart des enseignants. «  Il y en a qui donne un devoir et rentrent chez eux jusqu’à la fin du cours. D’autres qui s’endorment pendant la classe, s’amuse Jonathan. C’est justement pour pallier les défaillances du système que le gouvernement Marshallais a recours à « Word Teach » dont il paie les volontaires 100 dollars par mois ».

Seul étranger au milieu de la communauté de Tabal, Jonathan fait de son mieux pour enseigner l’anglais et pour s’intégrer. Il promène son mètre 90 et sa peau blanche de British, sous le soleil ou dans le bush pour participer aux activités locales, s’est mis à jouer au basket (sport préféré des Tabaliens) et s’essaie au ukulélé. Chaque soir, au coucher du soleil, il va faire du yoga sur la plage. Mais tout de même…Le temps lui semble long, très long, parfois. Alors pensez ! L’arrivée du premier voilier qu’il voit, avec à bord des Européens avec qui il peut discuter, partager un repas « européen », Jonathan l’a vécu comme une fête. « En me voyant embarquer sur votre bateau, les gens vont s’inquiéter. Ils vont croire que je vais filer à l’anglaise, comme le dernier prof volontaire qui s’est débiné sur un catamaran de passage ». Rien qu’à cette idée, il se marre. Non, lui, il ira jusqu’au bout de son contrat. Et il se réjouit de pouvoir vivre cette extraordinaire expérience. Même si ce n’est pas évident. Alors chapeau Mr. Jonathan

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