Chamade, si tu savais…

Avant de quitter la Suisse, trépignant d’impatience de retrouver Chamade, je m’étais dit: faudra lui expliquer à notre bateau, pourquoi nous l’avons laissé si longtemps seul à terre. 

Alors ce mardi matin, 3 août, jour de nos retrouvailles, j’ai caressé sa coque argentée et je lui ai tout raconté. Le Covid, le décret de Donald Trump interdisant l’accès des USA aux Européens, quinze jours avant notre départ pour Seattle, l’expectative renouvelée de mois en mois, la consultation fébrile des sites officiels américains, les espoirs de départ, sans cesse reportés, et enfin la frustration d’entendre Jo Biden renouveler fermement le décret de son prédécesseur, vaccin ou pas vaccin.

L’attente a été longue pour nous, mais sans doute aussi pour toi, Chamade. Deux ans sont passés pendant lesquels tu nous as attendus sans broncher  avec, j’espère, la certitude que nous viendrions te chercher bientôt. 

Sans doute savais-tu que tu pouvais compter sur nous, comme nous avons toujours pu compter sur toi au cours de nos voyages. Et tu avais raison. Car pour te rejoindre, nous avons finalement décidé de forcer le destin. Quoi qu’il en coûte. Je ne parle pas d’argent, mais de tous les obstacles à surmonter pour changer de continent, en période Covid: la paperasse à remplir recevoir un code QR de transit en Espagne, les 9 heures de vol masqués pour rallier ( moyennant un autre code QR) la République Dominicaine que nous avons choisie comme purgatoire. 

Un purgatoire paradisiaque où beaucoup rêvent de s’arrêter, mais que paradoxalement nous étions impatients de pouvoir quitter. Une sorte de mouillage d’attente où nous avons passé quinze jours ensoleillés et paisibles, à quelques kilomètres du chaos pétaradant de Las Terrenas.    Merci à Steve qui nous a accueilli dans sa superbe demeure perchée sur une colline au milieu de la forêt tropicale. Merci Eric, Clovis et Gwen, qui ont partagé avec nous le logis et égayé  notre attente.

Chaque matin, de la terrasse je regardais la mer, Chamade, et je me demandais si, après deux ans au sec, tu serais encore apte à nous y faire voguer. Si des champignons n’avais pas poussé dans ton ventre,  si l’humidité n’avait pas bousillé toute l’électronique, si les réservoirs de fuels n’étaient pas pleins de bactéries, si la nourriture ( pâtes, sucre, riz ) que nous avions laissées n’était pas envahie d’insectes rampants, si…si…si. Et surtout est-ce que nous allions pouvoir entrer aux États-Unis? 

Suspens! 72 heures avant de reprendre l’avion pour Miami, cette fois, nous avons fait notre test PCR au bar Calypso grâce à un médecin ambulant, parfaitement compétent et efficace. Nous avons ensuite passé deux jours à Santo Domingo dans le quartier colonial.

A Santo Domingo avec Gwen et Clovis

Et le lundi 2 août, nous avons passé la nuit à l’aéroport de Santo Domingo. Notre vol devait partir à 2h du matin, il est parti à 5 heures et nous avons raté nos correspondances pour Seattle. 

Aucun contrôle Covid nulle part, ni au départ de la République Dominicaine, ni à l’arrivée à l’aéroport de Miami où dans un mess généralisé, nous avons erré de porte d’embarquement en porte d’embarquement, pour tenter vainement  de monter dans un avion surbooké qui nous rapproche de notre destination.

Jamais vu pareille pagaille. Sur un vol, nous étions en 72 ème position sur la liste d’attente!!! Finalement, après deux fois deux heures de queue pour accéder aux différents  desks d’American Airlines, nous avons pu nous envoler directement pour Seattle. Le suspens aura duré jusqu’au dernier moment, puisque, mise une fois de plus sur la liste d’attente – alors que Marc avait un siège assuré dans l’avion – j’ai pu monter à bord in extremis. 

Nous n’avions pas dormi depuis 48 heures ! Mais n’avions nous pas décidé de te rejoindre quoi qu’il en coûte, Chamade ?   

John et Jerry nos délicieux amis de Anacortes n’ont pas voulu nous laisser passer une nuit à l’hôtel. Ils ont fait 4 heures de route aller-retour pour venir nous chercher à minuit à l’aéroport et nous ramener chez eux. Belles retrouvailles aussi. L’amitié, comme l’amour n’a que faire de deux ans d’absence.   

Voilà! Tu sais tout notre fidèle et stoïque compagnon de voyage. Tu auras compris que notre  envie de te retrouver et repartir avec toi à été plus forte que tout.

« With boats, it’s always a love affair ». C’est John qui le dit. Et c’est vrai! 

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