Un peu d’Europe au-delà de la Sibérie

(Par Sylvie)

Notre monde a basculé en quatre nuits de navigation.

La température de l’eau est tombée à 5 degrés. L’horizon s’est nappé d’une épaisse brume.. Sous un ciel diaphane Chamade danse dans cinquante nuances de gris. On ressort polaires et cirés. Ben oui. Nous sommes de retour dans le Nord. Au-delà même de la Sibérie.

Le soleil boude résolument notre arrivée dans la baie de Vladivostok. Nous slalomons au radar entre des cargos et tankers fantômes qui se laissent dériver, en attendent de pouvoir entrer dans le port pour vider leur cargaison. Nous avançons désormais au moteur, vers cette silhouette terrestre qui se rapproche à vue d’œil. Un arc-en-ciel d’acier se dessine au dessus de notre mât : ce n’est pas le Golden Gate, mais l’un des magnifiques ponts haubanés que Poutine à offert à sa capitale d’Extrême Orient, en 2012 pour le sommet de l’APEC ( Organisation de coopération économique des pays du Pacifique).

Au milieu des navires militaires ( Vladivostok reste la base de la flotte du Pacifique),des navires rouillés et des brises glaces, entre des collines de charbon. Les grues du port nous font une haie d’honneur un peu glauque. Mais bon, les ports de commerce sont rarement très avenants dans la grisaille. Et même si Vladivostok se trouve étonnement à la même latitude que Marseille, on ne s’attendait pas à y trouver une ambiance méditerranéenne.

Adieu courbettes nipponnes et autre arrigato. Ici, c’est à la bonne franquette. Les zdravouïtié tonitruants sonnent comme une claque dans le dos, les langues se délient. On nous cocole, on nous fait visiter et on s’émerveille que nous venions de si loin, on nous fait goûter les huîtres géantes, qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Pas nécessaire d’en commander une douzaine!

D’accord, Vladivostok est orientale, géographiquement, mais il me semble être de retour en Europe. Disons en Europe de l’Est. Plus un seul  asiatique à l’horizon, à part les voitures japonaises (95% du parc automobile) qui bouchonnent dans une irrespirable anarchie routière. Le cadre urbain, le mode de vie, la culture, presque tout  nous est parfaitement familier. Et nous sommes surpris de trouver tant de monde qui parle l’anglais.

A Vladivostok, à 9000 kilomètres et 7 fuseaux horaires de Moscou, tout le monde descend du mythique Transsibérien. La gare terminus, inaugurée il y a plus d’un siècle ressemble à un décor de cinéma, planté devant le terminal de verre de la gare maritime.

Gare maritime

Partant de là, on découvre pèle-mêle, Lénine…

les bâtiments pastels de l’époque tsariste…

les haubans métalliques du pont de la Corne d’Or qui bombe le torse vers le ciel, le marché coloré et ses babouchka d’un autre temps, l’hôtel Hyatt flambant neuf et déjà en friche sans avoir jamais été terminé…

les maisons de bois croulantes et tristes façades lépreuses et un vieux funiculaire de l’époque soviétique. Époque bénie ou honnie (c’est selon) dont la ville garde indéniablement quelques stigmates.

A commencer par l’état des routes.

Lorsqu’à l’effondrement de l’Union soviétique, il a fallu survivre, les habitants de Vladivostok se sont mis à importer des voitures, des pneus et autres accessoires nippons, free taxe. Les douanes fermaient les yeux sur ces juteux trafics qui ont permis aux gens de s’en sortir, voire de s’enrichir énormément. « Aujourd’hui à Vladivostok tout le monde a une voiture (neuve ou d’occasion) » nous explique Julia, en évitant soigneusement de planter une roue de sa belle Mazda rouge dans un trou béant.  Mais personne n’a eu l’idée de trafiquer les routes (qui il est vrai souffrent beaucoup du gel en hiver) pour les rendre carrossables.

En revanche, pour en mettre plein la vue à l’APEC, on a construit  en même temps que les ponts une magnifique autoroute qui, sur une dizaine de kilomètres relie le continent à l’ancienne forteresse et base militaire de l’île de Russki.

On y roule comme sur du velours, pour atteindre le nouveau campus universitaire, un centre hospitalier flambant neuf, l’aquarium géant de Akvamir, inauguré l’an dernier, alors qu’il était prévu pour l’APEC! (Mais il est quand même bluffant!)

et puis, pouf…plus rien. La  belle route asphaltée s’arrête net à l’entrée de la forêt. Pour aller profiter de la zone de détente aménagée ou de la plage, il faut emprunter une piste en terre battue. Ce qui met Julia dans une colère noire. « Tu vois, c’est ça la Russie ! ».

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