Ca coiffe et ça décoiffe

Il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre que la navigation dans les eaux de la péninsule de l’Alaska allait être plus complexe que prévue. Car voilà bien un coin où le ciel réserve une belle dose de surprises. Et les plus méfiants sont encore les pêcheurs locaux… Première constatation… le soleil, par ici c’est de l’or. Rien de tel que le temps gris quasi perpétuel pour vous inciter à consulter les tabelles de statistiques météo des « Instructions nautiques ». Prenons Cold Bay, situé tout près de False Pass, où nous avons passé de la mer de Béring à l’Océan Pacifique : 320 jours de précipitations par an. 83% de temps couvert. 0,5 % de temps clair. Et en juillet, une moyenne de 24 jours de brouillard par an ! Voilà qui explique parfaitement la coiffe et la couleur du ciel. Reste le vent… Là ça décoiffe ! Le moteur se trouve le plus souvent en mer de Béring : un bon vent de 20 nœuds de nord-ouest, glacial et chargé d’humidité. Le voilà qui saute par-dessus la Péninsule, très étroite par ici, se déchargeant de son humidité avant de retomber vers le Pacifique en se glissant entre les montagnes.

Un bel effet de foehn, bien connu dans les Alpes, et dont on sait qu’il peut souffler avec violence. Nous n’allons pas tarder à en prendre la mesure. Mardi 3 juillet, beau temps sur les îles Pavlov. L’occasion d’une belle ballade, dans un territoire sans ours, ce qui est assez rassurant lorsqu’il faut franchir des zones de buissons plutôt touffus.

En soirée, on se déplace vers Bear Bay pour y passer la nuit avant de continuer vers le nord-est. On jette l’ancre vers 22h, temps calme. Les fonds de graviers et de kelp ne semblent pas de bonne tenue, mais avec ce calme cela devrait aller. A 3h du matin, le vent se lève soudainement à 20 nœuds, l’ancre semble chasser lentement : on surveille. A 4 heures cela monte d’un coup à plus de 30 nœuds, on chasse, il faut relever le mouillage. En 20 minutes on est passé à 35 voir 40 nœuds. L’ancre remonte avec un paquet d’algues, on bataille dans la nuit noire pour tout dégager et tenter d’aller chercher un abri un peu plus loin. Mais le vent monte encore et la prudence recommande de partir en fuite vers Sand Point distant de 45 milles. On sort un petit bout de foc et filons bien vite 10 nœuds plein vent arrière. A 6 heures, dans le jour naissant, une masse nuageuse énorme et noire nous rattrape… le vent monte encore.

L’anémomètre tombe en panne, alors que la mer blanchit et se met à fumer. On surfe maintenant par moment à plus de 13 nœuds, il doit y avoir au moins 55 nœuds si ce n’est plus… dantesque ! Heureusement, il y a de l’eau à courir, on peut donc fuir plein vent arrière. Puis ça se calme bientôt, vers 9h, le vent tombe complètement, on met le moteur. Mais une heure après, il y a de nouveau plus de 30 à 35 nœuds et on fuit à nouveau sous foc bien réduit. Et cela va continuer jusqu’à Sand Point où l’on nous accueille avec un petit sourire et un brin de compassion… « Tough sailing here, isn’t it ? »

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