False Pass

Ce n’était peut-être pas le vrai bon passage pour plonger de la mer de Béring dans le Pacifique, mais un raccourci réserve parfois quelques surprises.

D’abord, on a changé de monde. Du gris gris, on est passé au gris vert, de la platitude au relief des montagnes, des chercheurs d’or, aux pêcheurs. Du far (nord) ouest de Lucky Luke, nous avons pénétré dans l’univers de Peter Pan. Pas celui de Walt Disney, mais celui du plus grand groupe de pêcheries d’Alsaka (détenu par des Japonais) dont le centre névralgique est King Cove.

False Pass n’est qu’un modeste relais, pour la Peter Pan Seafood.inc, mais suffisamment bien situé pour qu’elle continue à y investir dans des installations modernisées et à y faire vivre les 30 habitants permanents du lieu (une centaine en été). Ce qui nous vaut de pouvoir nous amarrer au milieu de nulle part dans un port flambant neuf et d’être fourni en saumon frais d’Alaska, en même temps que l’usine de conditionnement du poisson. Les pêcheurs sont sympas au royaume de PeterPan ! Et les quelques habitants de False Pass aussi.

Tout le monde nous salue lorsque nous allons nous promener, sous le crachin, sur le quai abandonné de l’ancienne pêcherie de Peter Pan. Il n’y a pas si longtemps toute la petite colonie des employés de l’usine vivaient dans ces petites cabanes en bois, reliées entre elles et à la cantine, par un réseau de passerelles sur pilotis. Le nom de leurs occupants est resté gravé au dessus de la porte. Des noms à consonance russe qui rappellent le temps où l’Empire du Tsar s’étendait sur les aléoutiennes et au-delà. Quelques uns de ces baraquements sont encore habités, mais les maisons, plus confortables, ont été reconstruites plus loin.

Caroline, la postière vit à False Pass depuis quinze ans. Et elle s’y trouve bien. Il y a une épicerie, une bibliothèque, l’école qui accueille 5 enfants (dont deux des siens), la poste, son mari, sa famille : que demander de plus ? Plus jamais elle n’ira remplacer une collègue à King Cove (800 habitants). La seule fois qu’elle a dû le faire, elle a cru mourir de stress. Et puis il y a un mois de vacances par année pour aller se distraire à Anchorage. « Quand on est triste dedans, on est triste partout et quand on est gai dedans on est gai partout ». Caroline est une philosophe pas triste du tout.

Au retour de notre promenade, nous nous apercevons que nous sommes suivis de près par un chien et… par un aigle. Mais que fait donc la police à False Pass ? Elle patrouille que diable ! A bord d’un pick-up blanc son unique représentant fait la navette sur la seule route en terre battue qui mène du vieux au nouveau port : 500 mètres dans un sens, 500 mètres dans l’autre : tout est sous contrôle. Nous voici presque rendus à la civilisation. Je dis presque, parce que Peter Pan a oublié de brancher un wi-fi dans son relais à poissons.

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