Giallino, notre passager clandestin

(Par Sylvie)

Oui… Nous avons mis du temps à nous en rendre compte, mais Chamade sert aussi d’abri à un réfugié clandestin. Un de ces despérado qui pour fuir sa triste condition est prêt à prendre tous les risques. D’où vient-il exactement et depuis quand s’est-il embarqué dans notre sillage ? Nous l’ignorons…  Est-ce à Huahiné, à Bora-Bora, à Raiatea ou à Taha’a. Peu importe. On imagine que pris soudain par l’espoir fou de pouvoir découvrir d’autres horizons et un avenir meilleur loin de son trou d’origine.  Comme il est de race jaune et qu’il se refuse obstinément à prononcer un seul son audible, nous l’avons surnommé Giallino (petit Jaune en italien).  Il est jeune, vigoureux et tellement vif qu’il a réussi à échapper à notre vigilance, faisant seulement quelques apparitions furtives lorsque nous levions et nous jetions l’ancre.

Giallino à l’étrave

Mais nous n’avons pas prêté attention à son petit manège, parce qu’au fond des autochtones de son espèce, il y en a plein qui viennent en permanence rôder autour du bateau. Finalement, en le voyant pointer son nez l’air de rien sous la coque, dans tous les mouillages où nous nous sommes arrêtés, nous avons commencé à avoir des soupçons.

Cette présence qui n’en n’est pas vraiment une, c’est louche, tout de même. On s’est dit qu’il allait certainement nous lâcher, lorsque nous sommes partis pour une dernière traversée entre Huahiné et Raiatea. 20 milles au milieu de la houle du Pacifique. Il fallait tout de même s’accrocher. Eh bien, non. Giallino s’est jeté à l’eau avec la force de l’espoir, nageant vigoureusement, tantôt à la proue, tantôt sous la jupe arrière de Chamade. Un va et vient épuisant qui a duré quatre  bonnes heures.

Giallino sous la jupe arrière en pleine traversée

A l’arrivée il pleuvait fort et il a disparu, dès qu’on a jeté l’ancre. Nous avons eu peur qu’il se soit noyé.  Heureusement, nous l’avons retrouvé en plein forme au matin. Car visiblement il a renoncé à se cacher. Il a sans doute compris que nous ne voulions ni le dénoncer aux services d’immigration de Gaston Flosse, ni se débarrasser de lui. Parce qu’il est devenu notre compagnon de route, notre rayon de soleil quotidien, le petit Giallino. Il est discret, il ne prend pas de place et il ne bouffe que la barbe de Chamade qui commence à avoir des poils verts sous le menton.  Qu’est-ce qu’il va faire, le pauvre dans trois semaines, lorsque l’on mettra  son abri en alu sur la terre ? Peut-être qu’il nous attendra dans le port pour trouver une mer d’asile au Japon.

Mais qui est-il ?

En fait il s’agit d’une carangue d’or juvénile, connue pour s’associer (à ce stade de son développement) à des poissons de grandes tailles comme les raies, les requins ou les mérous géants. Giallino doit donc être sûre d’avoir trouvé  en Chamade un associé de belle taille, qui lui assure compagnie et protection. On comprend mieux sa fidélité puisque manifestement notre jeune ami a déjà effectué en nous escortant au moins deux belles traversées entre Huahiné et Raiatea et une de Tahaa à Bora Bora. Mais, question fidélité,  c’est la nôtre qui risque fort de faire défaut. Aie, aie, aie, la trahison qui se prépare !

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