Izena Shima : en avant la musique

(Par Sylvie)

Pas moyen de faire la grasse matinée, à Izena. À 6h30 tapantes, nous sommes réveillés par la chansonnette (toujours la même) qui sort des haut-parleurs  postés aux quatre coins de la ville. Un air enfantin, chanté par une Chantal Goya ou une Dorothée nipponne. Pourquoi infliger ça à la population qui n’a fait de mal à personne ? « C’est pour les enfants », explique Megumi, une jeune employée de la ferme d’algues. Voici grosso modo, sous réserve de quelques approximations (mon traducteur google n’a pas tout capté, l’imbécile), les paroles de ce réveil-matin collectif: Allons à l’école, manger du riz, réveillons-nous pour manger des petits poissons, le petit déjeuner nous attend. Allons les enfants, levons-nous de bon matin, comme les adultes qui vont travailler. Sortons des couvertures et partons gaiement. Et puis le haut-parleur d’inciter à quelques mouvements de  gym : Ni…san, ni…yon…deux…trois…deux…quatre.

Quand on n’a pas envie de sortir des couvertures, ni de manger du riz et du poisson au petit-déjeuner et encore moins de se réveiller avec Chantal Goya, fût-elle japonaise, on irait bien couper les fils des haut-parleurs. Mais on se retient, car ils ont une certaine utilité.   Non seulement ils diffusent tous les soirs à 19h les infos communales, mais ils servent aussi pour les alertes tsunami.

Les gamins une fois à l’école et les haut-parleurs muets, ce sont les notes de la Lettre à Elise qui se font entendre. Itinérante, la musique  s’éloigne puis se rapproche. D’où peut-elle bien provenir ? Je vous le donne en mille : du camion de la voirie. Car figurez-vous qu’à Izena, on ramasse les poubelles sur l’œuvre de Beethoven, revue et corrigée au synthé.  Je ne sais pas si le maître aurait apprécié, mais qu’importe. La Lettre à Elise aux ordures, ça rend  plus douce – et plus propre- la vie des habitants d’Izena qui outre leur mélomanies sont des philanthropes, comme on n’en fait plus.

A notre arrivée, alors que nous n’avons pas fini de fixer les amarres, homme surgit sur son scooter. On fait un brin de causette – mais vraiment un brin, faute de pouvoir faire mieux -, il nous dit d’attendre un moment, s’en va en pétaradant et revient cinq minutes plus tard, avec 4 bières et des snacks qu’il refuse de partager avec nous quand nous l’invitons à bord. Et il prend la poudre d’escampette. Même scénario deux heures plus tard. Un monsieur avec chien, toujours sur son scooter s’arrête devant Chamade et avant même les salutations d’usage, nous tend un sac en plastique plein de jus de fruits. « Arigatoo gozaimasu », « doomo arigatoo », comment ne pas se confondre en remerciements et en courbettes ? Mais voilà que notre donneur anonyme repart déjà, trop pressé pour monter à bord.

Avec Megumi, au moins, nous avons pu discuter davantage, car elle parle un peu l’anglais.  Nous l’avons rencontrée sur son lieu de travail. Elle nous a fait goûter les algues qui venaient d’être récoltées et allaient être envoyées à Okinawa, la culture d’algues étant une des activités économiques les plus importantes de l’île.

«Comment ? Vous partez déjà demain matin à 8h? Je viendrai vous dire au revoir », a-t-elle promis. Nous n’y croyions pas trop et pourtant…le lendemain -une heure après Chantal Goya -, Megumi était sur le quai, avec un petit cadeau d’adieux : deux petites boules de verre taillées par son fils.

Elle n’a pas voulu prendre un thé avec nous, parce qu’elle devait aller travailler. Mais quand nous avons quitté le port, nous l’avons vue rester longtemps sur la digue à nous faire des grands signes de la main, comme si nous étions des amis de toujours.

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