La mer, enfin!


Nous n’allions quand même pas prendre racine à Ensenada. Pourtant c’est bien ce qui nous semblait au bout de 18 jours à quai dans la marina de la ville, à supporter le tintamarre et les fumées âcres des paquebots de croisière. Privés de destinations lointaines pour cause de Covid, ces géants des mers de plus de trois cent mètres de long font des ronds dans l’eau, à moitié vides, entre Los Angeles et la Basse Californie. Bien sûr, nous devions remettre Chamade en état de naviguer et nous nous sommes dépêchés de le faire. Les quelques travaux nécessaires ont été expédiés en moins de 10 jours.

Mais voilà qu’une belle et profonde dépression a amené pluie, vents tempétueux et, surtout, un air glacial sur la région: à peine 5 à 6 degrés à l’aube. Adieu shorts et T-shirts, nous avons dû faire les fonds d’armoire pour trouver polaires et doudounes indispensables aux quatre jours d’attente supplémentaires dans cette ville qui, honnêtement, ne casse pas des briques.

Patrice encore un peu emmitouflé au coucher du soleil

Enfin, dès que la météo s’est montrée plus clémente, nous avons largué les amarres : cap au sud! Ce jeudi 24 février, alors que Poutine attaque l’Ukraine, Chamade tourne le dos à la « civilisation ». Devant nous, 230 milles marins, deux jours et deux nuits de mer. Le soleil est revenu, le vent s’annonce soutenu mais pas trop, gage d’une navigation rapide et si possible confortable. La précision est de taille, puisque n’ayant plus navigué depuis septembre dernier, il va falloir à nouveau s’amariner sans laisser la porte ouverte au mal de mer qui guette toujours sournoisement lors de ces reprises. « Ah, vous avez le mal de mer? » nous demande-t-on souvent. Eh oui, parfois! Peu de navigateurs y échappent, du moins en mer! Car bien sûr au bistrot, le mal de mer c’est pour les mauviettes, comme l’affirment les loups de mer de comptoir. Heureusement, ça se gère. Quelques petites pilules nous aident parfois à tenir les quarts, tandis que Chamade danse la Java sur les flots. On veille, on dort, on manœuvre, on renoue avec l’infini des vagues.

Un goéland égaré vient se reposer sur nos panneaux solaires, le soleil enflamme l’horizon en déclinant et Chamade s’enfonce dans la nuit noire. Nous avons l’impression de voguer dans La Voie lactée, tant il y a d’étoiles que l’on confond parfois avec des lumières de navires. Vers deux heures du matin, la lune sort lentement de la mer pour éclairer l’horizon. C’est somptueux, un lever de lune! Dès le lendemain nous commençons à réduire la toile.

Chamade glisse magnifiquement mais risque de nous faire arriver trop vite. Il faut freiner. Pas question de se faufiler de nuit au milieu du petit archipel de San Benito formé de trois îles, plutôt trois cailloux désolés, très sommairement cartographiés. Il faut y voir clair pour trouver l’endroit favorable où jeter l’ancre.

Atterrissage à San Benito

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