Il est toujours périlleux de retourner dans des lieux qui nous ont laissés de beaux souvenirs. On risque d’être déçu, Est-ce que ça sera la cas à San Benito, petit caillou posé sur notre route vers Cabo San Lucas ?

En arrivant en vue de cette île squattée par une colonie d’éléphants de mer à qui nous avions rendu visite il y a 8 ans, nous avons un haut le cœur: un bateau de taille moyenne, nommé Sea Explorer, est mouillé dans la baie. Nous voyons débarquer sur la grève du petit village de pêcheurs une vingtaine de gilets de sauvetages jaune, avec des gens dedans. Aïe! Il semble bien que les Mexicains se sont mis à vendre leurs éléphants de mer comme attraction touristique. Allons nous trouver dans ce village perdu de San Benito, des boutiques d’artisanat sombréros et Mickey, un bistrot, un distributeur de Coca-Cola ? Dans nos souvenirs il n’y avait rien dans ce camp de fortune occupé sporadiquement par des pêcheurs. Juste quelques baraques plus ou moins à l’abandon.

Nous débarquons avec circonspection. Hé, mais oui, c’est lui, c’est bien lui, le vieil éléphant solitaire – a-t-il été mis au ban de la colonie ? – qui avait posé trompe en l’air devant notre dinghy ? Il gît dans le sable, sans se soucier des touristes venus directement de San Diego ( 30 heures de mer ) qui pique-niquent à deux pas de lui. Visiblement, le temps l’a rendu encore plus amorphe et décati, et il semble devenu aveugle. À l’image du village qui nous semble avoir gagné en rides et décrépitudes. Seuls trois pêcheurs occupent les lieux, aujourd’hui. Avant de partir ramasser leurs filets, ils nous ont prévenu que nous avions mouillé trop près d’un rocher affleurant mais invisible à marée haute. Ils nous ont demandé très poliment de l’alcool et se sont esclaffés quand nous avons dit que nous n’en n’avions pas. Le soir ils mettent une ambiance d’enfer sur l’île. La musique à fond, ils ont l’air de bien rigoler.

Mi soulagés, mi atterrés de voir que rien n’a changé à San Benito où le dénuement semble plus que jamais de mise, nous avons grimpé jusqu’au phare, milieu des pierres et des cactus. Visiblement il est hors service.

Puis, nous avons été saluer, comme il se doit les seigneurs et rois de l’île entourés de femelles et d’enfants qui éructent à qui mieux mieux. Vautrés sur la plage, ils se giclent régulièrement de sable, d’un coup de nageoire.

Là aussi rien de nouveau, à part la petite passerelle en bois qu’il faut emprunter pour ne pas déranger les oiseaux qui nichent sur le sol. Les éléphants de mer de San Benito sont tels que nous les avions laissés? Ils sont toujours aussi hideux et puants. Nous avons assisté au bain d’un Monseigneur qui se pavanait dans l’eau, devant ses congénères parfaitement indifférents.

À nous aussi, le spectacle nous est apparu un peu moins intéressant qu’il y a 8 ans. Quand je vous disais qu’il est toujours périlleux de retourner dans les lieux qui nous ont laissé de beaux souvenirs. Mais bon, COVID oblige, nous n’avions pas le choix.