Passons aux choses sérieuses : Daniel (l’artiste du bord), et par conséquent nous tous, avons rendez-vous avec M. Bear d’Alaska et toute sa famille, dans sa vaste résidence de Geographic Harbor. Comment allons nous nous présenter ? Nous n’avons pas été invité, nous savons que M. Bear n’est pas foncièrement méchant, mais qu’il peut avoir des sautes d’humeur meurtrières et surtout que sa femme ne supporte pas qu’on s’approche des enfants.

Alors on y va prudemment, après avoir lu et relu le manuel du savoir vivre de la baronne Bear’nadette : ne jamais arriver à l’improviste (M. Bear n’aime pas être pris de court), s’annoncer ostensiblement, rester debout s’il vous regarde d’un sale œil, soutenir son regard, sans arrogance et surtout ne pas commettre l’impolitesse de se retirer précipitamment. M. Bear pourrait penser à mal et s’en offusquer et piquer une de ses violentes colères. Pleins de tact, nous optons pour une approche courtoise et distante – depuis le pont de Chamade -, histoire de ne pas déranger Mme Bear qui se promène sur la page avec un spécimen de sa progéniture. Le vilain garnement veut déjà qu’on lui lâche des pattes. Il traverse la rivière. Mais sa mère vient le rechercher promptement.

Le lendemain (est-ce lui ou son frère ?) il fugue carrément pour aller découvrir seul les environs. Suffit de prendre des gants avec des plantigrades qui nous ignorent. Allez, on débarque en dinghy. Ca bouge, là bas dans les hautes herbes qui bordent la rivière. Cette fois c’est bien lui. Il est à vingt mètres à peine, fort occupé à fouiner, la truffe au sol et même à brouter. C’est vrai que le saumon de Monsieur n’est pas encore arrivé, cette année. Mais visiblement il y a d’autres mignardises à déguster.
L’Ours lève un instant les yeux, nous fixe de son œil ténébreux – nous remarquons alors la balafre qu’il a sur le nez -, et poursuit son repas, sans plus nous prêter la moindre attention. Pas de souci, Mr. Bear, faites comme si nous n’étions pas là. Mangez tranquille. Nous n’avons aucune intention de perturber votre dînette, ni vous disputer votre herbe. Nous voulons simplement assister au déjeuner du Roi.
Et quand on est une star, en Alaska, il faut bien s’attendre à être traqué par quelques paparazzi. C’est la rançon de la gloire et ça, vous ne l’ignorez pas !