L’ORATANK, le tanker salvateur

69°25N / 52°21W

Cela fait 3 heures maintenant que Chamade remonte vers la nord, au large d’Ilulissat, à la recherche d’un passage à travers la glace pour rejoindre le port.

Un peu plus tôt, en fin d’après-midi, nous avions profité du soleil revenu pour explorer « un peu » la lisière du « Jakobshaven Isfjord », la fameuse « fabrique des icebergs » de l’hémisphère nord.

Un incroyable fjord gelé, alimenté par un glacier de 7 km de large, descendu de l’Ilandsis (la calotte glaciaire du Groenland) et qui avance de 40 mètres par jour. A la sortie, un goulet qui dégueule à journée faite des montagnes d’icebergs. Un fantastique chaos.  En principe il suffit de le contourner suffisamment au large pour rejoindre Illulissat.

Mais ce soir, la barrière de glace n’en  fini pas. Impossible de trouver un passage vers le port, et pourtant nous sommes déjà plus au nord que Rodebay. Devant nous, toujours un incroyable chaos d’icebergs et de glace infranchissable. Et pourtant, il y a encore une semaine, cela passait, selon Thierry Dubois de LA LOUISE, rencontré à Godhavn.

Pas grave, s’il n’y avait, dans 2 jours, un avion à prendre pour nos équipiers Patrice et Yvan.

J’appelle Aasiaat radio qui gère la surveillance côtière, mais à ma grande surprise, ils n’ont aucune information, se contentant de nous conseiller de nous détourner sur Aasiaat.

Après maintes hésitations, finalement nous tournons cap au sud-ouest, vers Aasiaat que nous devrions rejoindre demain matin, juste à temps pour modifier les plans de vols.

Un regard encore sur l’ordinateur, pour constater « une cible » AIS. (Transpondeur dont sont équipés les gros navires et dont nous pouvons relever le signal sur l’ordinateur du bord).

C’est un tanker. L’ORATANK, destination Illulissat. Il devrait être sur nous dans 2 heures. Voilà la solution. L’attendre à l’orée de la glace et le laisser nous frayer un passage.

Nous restons presque arrêtés, au soleil de minuit, jusqu’au moment où notre présumé sauveur apparaît entre 2 icebergs. Un coup de radio VHF pour prendre contact et l’accueil est plus qu’aimable : « Welcome Chamade, no problem, you can sail behind us ».

Et nous voilà comme un petit chiot derrière son maître qui pousse les glaçons (gros glaçons, il est vrai !), à toute petite vitesse (à peine 2 nœuds). 3 heures de traversée dans la lumière bleu-rose du petit matin où glace, icebergs et brume se donnent la réplique. C’est juste féérique !

A quatre heures du matin nous entrons dans le port surencombré d’Ilulissat. On s’amarre à couple d’un vieux chalutier (dont nous serons éjectés quelques heures plus tard) et on gagne notre couchette pour un sommeil profond, encombré de glaçons et de brume…

P.S : Au matin, nous irons voir Silver, un Italien qui tient son agence « Groenland nature » depuis 20 ans, une figure locale, totalement groenlandisé.

« En 20 ans je n’ai jamais vu ça… Jamais le port a été bloqué comme ça…  les vents d’ouest ont repoussé la glace vers la côte. Résultat, les paquebots de croisière ne viennent plus. C’est vraiment moche pour les habitants qui ont besoin de ce tourisme pour vivre ici… »

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