Nagasaki: nos atomes crochus

(Par Sylvie)
Non, Nagasaki n’est pas une ville sinistre sur laquelle plane le spectre de la bombe. Sous le soleil de mai, elle apparaît au contraire, comme une cité vivante et très cool. Puisant aux origines de son histoire la force de renouer avec ce qu’elle fut dès le XVIème siècle (en dépit du verrouillage de l’ère Edo) : une ville ouverte, un subtil mélange d’époques et d’influences diverses.

Vue d’une des multiples collines qui moule sa topographie, Nagasaki ( 450 mille habitants) monte et descend à flanc de forêts et embrasse du regard sa magnifique rade, les chantiers navals Mistubishi, son Golden Gate et, au delà, le grand large.
Des toits gris, d’où émergent le clocher d’une église très peu asiatique .

Et surtout, entre les cubes de béton, des immeubles et des parkings, les jolies coubes des toits rouges et gris des sanctuaires bouddhistes ou shintô et des torii (portes ).

Nagasaki est truffée de ces oasis zen. Et pour la première fois nous avons vu des gens se recueillir ostensiblement devant les temples, sans distinction d’âge ni de mode.

Dans les cimetière accroché aux pentes, on croise souvent des jizo, ces petites statues de pierre portant bavoirs rouges et petits bonnets qui sont sensés protéger l’âme des enfants disparus.

Touchant, ces jizo, autant que les groups d’enfants bien vivants qui déferlent à tous les coins de rue et dans tous les sites touristiques qui servent la pédagogie.

L’enfant roi du Japon qu’on aime à voir jouer sur le canal en flânant sur ses berges fleuries.

Dans la modernité de Nagasaki, se glissent plein d’habitudes délicieusement désuètes ( pour les Européens que nous sommes). Par exemple la politesse du « wattmann » en gants blancs qui, dans son tram ( pas vraiment à la pointe de la technologie) salue chaque passager entrant et remercie chaque passager sortant.

La logorrhée de sa litanie peut bien finir par nous taper sur le système, on se dit que chez nous, les conducteurs des transports publics pourraient parfois en prendre de la graine.

Il y a aussi ces kimonos qui traversent furtivement un pont et ces parapluies qui servent d’ombrelles à des dames à chapeaux, gantées qui se protègent du soleil ( et des microbes) comme on se protège du froid.

Et à l’ombre des immeubles et des tours, ces petites maisons de bois toutes rabougries par l’âge, ou encore ces ruelles étroites qui se tricotent un toit avec les fils électriques.

Il y a enfin ces petits marchands qui vendent des glaces en forme de rose.

Et ces bouddhas qui vous sourient le long des rues ou se marrent carrément en vous voyant arriver au coin de la rue.

C’est ça le Nagasaki que nous avons découvert. Une ville qui a volontairement tourné le dos au malheur. Sans pour autant oublier.

L’hypocentre de l’explosion de la bombe ne désemplit pas. Les élèves viennent par centaines prendre une leçon de paix en s’inclinant devant le monument qui marque le lieu de l’impact. On lit à haute voix, pour mieux s’en imprégner, la déclaration pacifiste de Nagasaki. Avant de visiter le mémorial et le musée qui milite pour la non prolifération des armes atomiques, en expliquant en détail les terribles destructions de la bombe de Nagasaki ( 70 mille morts et autant de blessés).
Mais peu d’interrogations sur l’origine de cette guerre qui a conduit au désastre. Pas même une mention de Pearl Harbour!
Juste les mots: plus jamais la bombe. Ne reste qu’à méditer sur l’histoire dans le très beau mémorial, en essayant de ne pas désespérer de l’humanité. Nagasaki, en tous cas nous y engage.

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