Notre rencontre avec Victor-Hugo 

Ce fut une rencontre totalement fortuite, surprenante et très instructive.

Depuis notre arrivée à San Perdro d’Atacama, je m’interrogeais sur l’histoire de ses premiers  habitants, les Indiens Atacamas (Atacameños).  Google ne m’a été d’aucun secours. À part nous indiquer les 10 lieux à ne pas manquer et les agences de tourisme qui peuvent nous y amener, rien. Ou si peu. 

En lisant Wikipedia, j’ai tout de même appris que la présence des Atacamas date d’il y a 11.000 ans et qu’ils se sont installés dans l’oasis de San Perdro, vers 500 avant JC,  bien avant que les Incas n’envahissent leur territoire (début du 15ème siècle), ne construisent des routes à travers les salars et n’influence leur culture. 

les Indiens Atacamas de San Pedro

C’était un peuple d’agriculteurs qui avaient déjà domestiqué les guanacos ( qui deviennent alors des lamas) tandis que les vicuñas ( les vigognes )domestiqués deviennent des alpagas. Ils  mangeaient la viande de leurs camélidés, utilisaient leur laine et s’en servaient pour transporter leurs marchandises et artisanat par delà  la Cordillère.

pétroglyphe d’un lama en gestation à Yerbas Buenas

Sur les hauts plateaux, les Atacamas sédentarisés avaient créé des cultures en terrasse, et un système d’irrigation permettant de tirer profit des maigres ressources en eau, pour obtenir des récoltes abondantes ( mais , pommes de terres quinoa et tabac fertilisées au guano. Aujourd’hui l’ensemble des domaines agricoles d’une communautés familiale (généralement liée par le même lien de sang) est irrigués par de petits canaux, comme celui construit à l’arrière de notre loge rural, construit comme au bon vieux temps, en adobe, avec un toit en chaume.

cultures en terrasse
canal d’irrigation de notre lodge rural

Pour se protéger les envahisseurs, les Atacamas construisaient des murailles en pierre, autour de leurs habitations, des sortes de forts, appelés pukaras et dont il reste quelques vestiges du XII ème siècle à San Pedro.

 

le Pukarà de Quitor à San Pedro

Et puis ? Quelles étaient leurs croyances, avant  la conquête espagnole et le catholicisme ? Sans doute croyaient-ils en un au-delà puisqu’ils enterraient leurs mort avec armes et bagages. Mais quels étaient leurs dieux? Pratiquaient-ils dès sacrifices humains? La fameuse vallée de la lune était-elle un lieu de culte sacré ?  Mystère. Impossible d’obtenir une réponse, même au musée d’archéologie du père ( jésuite ) belge, Gustave Paige qui a développé San Pedro, comme lieu touristique. J’avais donc rangé mes questions dans ma valise, avant de repartir  pour Santiago. 

Et voilà que dans le petit village de Chiu-Chiu où nous avons passé notre dernière nuit de désert,  Victor Hugo est apparu. Victor Hugo, c’est lui. 

C’est à ce Victor-Hugo là que nous étions sensés payer, en cash, notre loge. Et sans tenir compte de air ébaubi, on nous avait dit, comme ça en passant, qu’il parlait français. Normal pour Victor Hugo, me direz-vous, mais surprenant, tout même dans ce bled perdu à 2500m d’altitude.

C’est donc en français plus que parfait que Victor-Hugo nous raconte sous la pleine lune, qu’il est ethnologue, qu’il navigue entre le Brésil et sa terre natale du nord du Chili et qu’il a étudié et vécu en France pendant 18 ans. S’il a hérité de son illustre prénom c’est que son futur parrain ( qui selon la tradition décide du prénom de son ou sa filleul(e) ), était en train de lire les Misérables lorsque le bébé est apparu. Il a donc gribouillé au père, analphabète, le nom de Victor-Hugo qui fut inscrit sur l’acte de naissance. Pas plus compliqué que ça! 

Le hasard, on le le sait , fait bien les choses. Grâce à notre Victor-Hugo de Chiu-Chiu, j’ai obtenu des réponses à mes questions ethnologiques. 

Alors: non, la valle della Luna n’a jamais été un lieu sacré pour les Atacamas. C’est le père Paige qui l’a surnommé ainsi à cause de son aspect lunaire de même qu’il a baptisé la vallée voisine, la valle de Marte ( la vallée de Mars) qui est devenue la valle de la Muerte . Rien que du marketing ! 

En revanche, les Atacamas vénéraient le volcan Lincancabur ( 5900m d’altitude) habité par Pachamama, l’esprit qui apporte la prospérité ou l’adversité.

Pour attirer  sa bienveillance on lui offrait en sacrifice des animaux mais jamais d’humains. 

Lincancabur, le volcan sacré des Atacamas

Lorsque j’ai demandé à Victor-Hugo pourquoi les lamas qui paissent sur les hauts plateaux portent des rubans de couleurs, il nous a expliqué qu’il s’agissait évidemment d’une sorte de marquage pour différencier les troupeaux, mais aussi , que selon la tradition, c’était une façon de désigner à l’attention et aux bons soins de tous, femelles lamas qui vont mettre bas. 

dame lama décorée…à protéger

Par contre, les femmes Atacamas devaient partir accoucher seules quelque part sur la montagne, sans soins ni aide. Pour protéger leur nouveau né, elles lui bandaient le crâne jusqu’à le déformer, paraît-il. C’est seulement lorsqu’elles le ramenaient au village que l’enfant pouvait être considéré comme né, parce que reconnu par la communauté. Avant, il n’existait pas!

Comme quoi, les Indiens Atacamas, avaient plus d’égards pour les femelles lama que pour leurs femmes selon la légende des siècles. De Victor-Hugo de Chiu-Chiu 

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