Finie la wildlife. Nous regagnons l’urbanité par le chemin des écoliers. Ce qui nous permet de faire quelques improbables rencontres, végétales, animales et humaines.
À Alert Bay tout d’abord, nous avons fait connaissance de feu M. Popovski, maire de ce charmant port de pêche « native », durant quelques quarante ans. Un monument a été érigé à sa mémoire en bord de mer, mais l’histoire ne dit pas si les dieux indiens l’ont accueilli en leur cimetière-
Les habitants lui doivent sans doute le développement touristique du village qui possède un magnifique musée de masques, quelques spécimens d’authentiques totems (dont le totem le plus haut du monde) et trois «double deckers » (bus à deux étages) et un cab (taxi) londoniens, ramenés là, pour la décoration, par un hippy anglais.
Mais la rencontre la plus surprenante avec les trépassés d’Alert Bay a été celle de la forêt morte noyée, baptisée « forêt écologique » pour des raisons de marketing touristique. Son sol a été inondé lors de la construction d’un barrage et les arbres ont pourri sur pied, se sont désagrégés. Entre marais, lichens et fougères, leurs spectres imposants se dressent nus et se tordent pour former une étrange jungle aux allures de désert.
À Port Neville, c’est Joe qui nous a accueillis dans son petit domaine, aussi bien tondu qu’un green de golf. Ce n’est pas son domaine, il n’est là que pour un mois, comme gardien de cette propriété louée récemment par une congrégation de missionnaires évangélistes. Elle appartient encore à la famille du colon norvégien Hans Hansen, arrivé là, au milieu des communautés indiennes en 1891. La maison familiale, plantée au milieu des fleurs et des arbres fruitiers, la poste qu’il a construite (en jouant les facteurs de mer) et qui transformée en magasin est aujourd’hui abandonnée, une petite école déserte, c’est tout ce qu’il reste de l’Eden Hansen, désormais pieu refuge et port d’attache du « Costal Messenger » qui distribue des bibles « lisibles » aux autochtones.
Joe nous en a donné une, avec des poivrons et du jus de prunes. Il nous a raconté sa vie d’immigrant hollandais et de mari abandonné. « Je n’ai sans doute pas fait assez d’argent », dit-il avec un semblant de détachement. Heureusement, ses trois filles sont restées proches. Elles s’occupent un peu de lui et de son genou malade. Mais ça ne suffit pas. A 83 ans, Joe a encore « besoin de sang neuf ». Dieu voudra-t-il y pourvoir ?
La rencontre à laquelle nous avons échappé (de peu) à Port Neville, c’est celle de notre ami plantigrade qui de la plage, à vingt mètres du ponton où nous étions amarrés, nous a laissé l’expression de ses meilleures pensées, pendant que nous dormions paisiblement. Mais après quelques miles de navigation nous pensons qu’il nous a rattrapés. Est-ce bien lui que nous voyons fendre l’eau, devant nous ? Mais non. Cette fois un loup, un énorme loup avec un cou de taureau et des oreilles bien dressées pour mieux nous entendre. Il a été le premier à crier au loup en voyant Chamade pointer sur lui . Ce qui lui a sans doute permis de battre le record du 100m nage libre