Sointula : quand il reste une trace d’utopie

Il était une fois des Finlandais qui avaient fui les turpitudes européennes pour venir s’installer dans l’île de Vancouver. Mais en cette fin de 19ème siècle, les joies du travail dans les mines de charbon de la Colombie britannique étaient toutes relatives et un groupe d’entres-eux, éblouis par les idées du charismatique Matti Kurrikula, un journaliste habité d’utopie socialiste, décidèrent  de le suivre sur  Malcolm Island, pour y fonder une communauté qu’ils nommèrent Sointula, « Lieu d’harmonie » en finnois.

Ils voulaient y bâtir une société où toute propriété serait collective, où tout serait partagé, une société participative où tous seraient égaux, hommes et femmes, une vraie révolution à l’époque. Ils se mirent donc à l’ouvrage, créant une fonderie, une scierie et une briqueterie.

Adeptes de la devise « Un esprit sain dans un corps sain » ils partageaient régulièrement des séances de gymnastique collective, des cours de musique et des activités théâtrales. Et bien vite le premier journal en finnois du Canada voyait le jour.

Bref, un monde parfait…

Mais Kurrikula était plus beau parleur que réel meneur d’hommes et bientôt il devait quitter une communauté en péril, moralement, mais aussi et surtout, économiquement. Les habitants furent finalement contraints de liquider leur société communautaire et l’île retourna sous le contrôle du gouvernement de la Colombie britannique. Ceux qui restèrent devinrent pêcheurs ou bûcherons, achetant leurs terrains et y bâtissant leurs maisons. La« propriété privée » était de retour… circulez… y’a plus rien à voir…

Pas tout à fait… puisque l’esprit était resté…

En 1909 les résidents restants, tout propriétaires qu’ils étaient, créèrent la « Sointula Co-operative Store » chargée de pourvoir au ravitaillement de l’île mais aussi à la revente des produits locaux. Une coopérative qui existe toujours aujourd’hui, qui gère le « general store », la quincaillerie et la station-service… Et sur le panneau d’affichage, un mot remercie ceux qui ont consacré dernièrement du temps au nettoyage collectif des rues du village à l’orée de la saison touristique.

Si quelques vieux parlent encore le finnois dans le village, le ferry emmène les jeunes, désormais anglophones, au « college », à Port Mc Neill (30 minutes de traversée, 7 x par jour)

Mais  celui qui attache ses amarres ici trouve un village au charme discrètement désuet et quelques sentiers tracés dans une forêt magnifique.

(Non ce n’est pas une authentique finnoise, mais une matelote de passage chevauchant un des vélos mis à disposition par le bureau du port.)

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