Un parfum de femme à Rose Harbour

(Par Sylvie)

Elle se fait appeler Susan. Lorsqu’elle émerge de son potager foisonnant, pieds nus, ses longs cheveux gris au vent, elle a l’air de débarquer tout droit de Woodstock à l’époque peace and love.  En réalité, Susan vient de New-York, passant, presque sans transition des gratte-ciel à la petite maison de bois qu’elle habite seule la plupart de l’année, à Rose Harbour, dans une anse du parc de Gwai Haanas (archipel de Haïda Gwaii ou de la Reine Charlotte).

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Susan n’a qu’un voisin, l’hiver, un Allemand quinquagénaire  et deux l’été, lorsque que vient s’installer pour la courte saison touristique un Québéquois. Parce qu’à Rose Harbour, il n’y a que trois maisons, vestiges d’une importante station baleinière qui a fonctionné de 1910 à 1943.  Durant toute cette époque, près de 120 personnes vivaient là. Une centaine de travailleurs chinois et japonais qui avaient chacun leur « quartier » et une vingtaine de cadres canadiens qui faisaient fonctionner la Compagnie.

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Il ne reste plus beaucoup de traces des quais qui recevaient les bateaux, de la rampe où l’on trainait chaque année entre 400 et 600 baleines pour les dépecer. Seuls quelques cuves rouillées, un squelette de fourneau et trois bâtisses témoignent encore de ce passé, pas si lointain. Les machines et autres infrastructures importantes ont été ramenées à Queen Charlotte et le reste à été livré à la convoitise des hommes et  à la nature qui a vite repris ses droits, en dépit du gardiennage payé par la Compagnie  jusque dans les années 60.

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Susan, elle avait 24 ans quand elle est arrivée dans l’archipel de Haïda Gwaii dont elle avait entendu parler au musée new-yorkais où elle travaillait. Après une longue escale à  Burnaby ( un peu plus au nord), elle est venue, en 1983, s’installer avec son compagnon et ses deux fils dans la maison bleue qui était à prendre, autant qu’à vendre.

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Lorsque les kayakistes ou les navigateurs de passage s’arrêtent à Rose Harbour, ils vont  manger chez Susan qui tient table d’hôte dans sa cuisine. Chez elle, on ne sert que les produits (haricots, rhubarbe, maïs, salades, carottes, fraises, pommes de terre, etc..) qu’elle fait pousser dans son jardin ou qui viennent de la mer. On se chauffe au bois et on doit l’électricité à des panneaux solaires.
N’empêche. De juillet à septembre,  la maison bleue est perpétuelle effervescence et Susan se fait aider par des jeunes « volontaires ». Puis, Susan retourne à son jardin aux mille parfums de légumes et de fleurs, solitaire, mais heureuse, dit-elle parce qu’entourée d’un merveilleuse nature. Depuis deux trois ans, elle s’échappe tout de même à Queen Charlotte pour passer trois mois plus au chaud, près de ses fils, mais tant que ses forces le lui permettent, elle restera à Rose Harbour,

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Hasard ? Susan a pour nom de famille « Cohen », comme Leonard qui lui a peut-être inspirée son prénom d’emprunt, mais aussi comme moi. Quand je le lui dis, elle me répond en riant « Vraiment ? Vous n’en n’avez pas l’air » !

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