Davy Crockett à Pauline Cove (Herschel Island)

Tiens, des montagnes. Enfin, n’exagérons pas. Les côtes de Herschel Island ( 69°34N / 138°55W) présentent un relief de quelque 200 mètres d’altitude qui nous fait l’effet d’une montagne comparé à la platitude du terrain que nous avons rencontré jusqu’à présent. Mais il faut faire attention en pénétrant dans la crique très peu profonde, protégée par une barrière de roches sablonneuses on ne peut plus « flat ». C’est ici qu’Amundsen effectua en 1905-1906 son 3ème hivernage avec son « Gjoa ». Et c’est d’ici qu’il partit, parcourant plus de 500 kilomètres, jusqu’à Eagle City, télégraphier la nouvelle de sa victoire sur le passage du Nord-Ouest. Sur la rive, une plage encombrée de bois flottants et quelques bicoques abandonnées. Un petit phoque risque sa moustache hors des flots pour identifier l’intrus qui viole son territoire et dérange les oiseaux avec son bruit de moteur et de chaîne. Salut l’ami ! On ne fait que passer. Une nuit ou deux à Pauline Cove. Je ne sais pas qui c’est cette Pauline, mais sa crique me plaît bien. C’est le genre d’endroit où quand tu débarques, tu te sens pousser sous le bonnet, la queue de renard de Davy Crockett. Nous voilà trappeurs sur l’île mystérieuse. Sauf que l’homme qui n’a jamais peur s’inquiète sérieusement lorsqu’il découvre les traces d’un ours.  Il n’y a sans doute pas d’ours polaire ici, à cette saison, mais des grizzlis c’est possible. Donc prudence…Nous ressortons le fusil, parce que nous sommes courageux, mais pas téméraires. Les (petites) traces d’ours se mêlent à celles de sabots que nous identifions comme ceux de bœufs musqués ou de caribous. Tous les doutes sont permis pour des trappeurs comme nous.

En grimpant sur la colline nous allons explorer le garde-manger que des hommes ont creusé dans le permafrost. Un frigo naturel, refermé avec une porte en bois bloquée par un tronc d’arbre. A l’intérieur, quelques pieds sous terre, un beau gibet de caribou dont la tête git intacte sur le sol. A côté, un thermomètre qui indique -3°. Brrr ! On est mieux à l’air libre où le soleil commence à percer. Au milieu d’une toundra jaunissante, parsemée de cotons arctiques, des stèles de bois et quelques croix émergent des tourbières. Des hommes, pour la plupart des gamins d’une vingtaine d’années ont été enterrés là entre 1895 et 1897. A cette époque Pauline Cove abritait à la saison froide, une colonie de quelques 500 âmes. Des baleiniers venus hiverner dans le sillage de l’American ships of the Pacific Steam Whaling Company avec une quinzaine de bateaux. Une présence qui allait très vite corrompre les Inuvialuits, les Inuits autochtones, venus échanger les fruits de leurs chasses contre des produits manufacturés. En quelques années ils furent décimés par les maladies et l’alcoolisme, malgré l’arrivée d’un missionnaire anglican, venu sauver leurs âmes. Le commerce de baleine périclita. Celui des fourrures se maintint jusqu’au début du XXème siècle. Mais peu à peu les derniers habitants de Herschel Island allèrent s’installer sur le continent, à l’embouchure du fleuve Mackenzie. Pauline Cove devint un centre de ravitaillement pour les explorateurs et les scientifiques. La gendarmerie royale canadienne y installa son QG pour l’Arctique de l’Ouest, puis une station satellite avant de quitter les lieux en 1964. Quelques rangers sont encore stationnés dans la baie durant l’été. Ils venaient de partir à notre passage, en prenant soin de fermant derrière eux le petit sauna de Pauline Cove et la maison bien retapée de la Northern Whaling & Trading Comnpany .Mais ils ont laissé ouvert la cabane qui toute l’année peut servir de refuge aux gens de passage. Car depuis 1987 Herschel Island est consacrée Parc National de Quikiqtaruk.

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