La magie de Gwaï Haanas

Tout semblait au départ se liguer pour que nous restions dubitatifs… La pluie redoublait de violence dans « Thurston Inlet », sans parler de la « marée rouge », ces eaux infestées d’une algue qui rend toxique les coquillages.


Mais le soleil est revenu lorsque nous sommes arrivés à Taanu, premier village abandonné de Gwaii Haanas. Taanu où nous attendaient Walter et Maria, le couple de « watchmen » du village. Leur rôle est de veiller sur ces ruines imprégnées de l’esprit de leurs ancêtres, et de guider les touristes de passage. De leur expliquer, leur raconter, leur faire partager leur histoire et leur culture. Et Walter a l’art de vous donner l’impression d’être un visiteur unique. Il vous fait l’honneur de chaque maison abandonnée, vous guide au cœur de la forêt avec bonhomie et délicatesse, avant de vous conduire dans la maison qu’il occupe avec sa femme Maria. Une manière simple, mais si chaleureuse de vous faire sentir comme chez vous. Et le pain fraîchement cuit que nous a donné Maria nous a fait oublier pour un (court) temps le pain « éponge » du supermarché.

Ce fut ensuite Sean, à Windy Bay, ethnologue et archéologue, marié à Helen… un couple mixte heureux de passer l’été au cœur du parc. Il nous emmène au cœur de la forêt, à la découverte de spruces (épicéa) et de cèdres rouges millénaires ! Notre première vraie vision de la forêt originelle, celle qui, hélas, n’existe pratiquement plus le long des côtes de la Colombie britannique vouées au logging (bûcheronnage) intensif. Sean qui nous fait « intimement » ressentir le lien fondamental des Haïdas avec le cèdre, leur arbre à tout faire, leur arbre de vie.

A S’gang Gwaii, c’est James qui nous reçoit. Une fois encore, le choix de l’emplacement du village est exceptionnel. Aussi bien d’un point de vue pratique (belle plage protégée pour y remonter les pirogues) que d’un point de vue esthétique. A chaque fois on est frappé par l’harmonie qui se dégage des lieux. Ici, c’est le seul village où l’on trouve encore des mâts debout. Ailleurs ils sont soit tombés, soit emmenés dans des musées. S’gang Gwaii est donc un lieu unique… à tel point que l’Unesco l’a classé « patrimoine mondial de l’humanité ».

La volonté est bien évidemment de conserver ce site exceptionnel, si ce n’est que James nous explique qu’ils se bornent à canaliser les visiteurs pour éviter l’érosion, à éviter que leurs piétinements ne dérangent les esprits, ainsi qu’à enlever les mousses qui accélèrent la dégradation des « totems ». Mais rien, aucun produit, aucune mesure ne sera prise pour éviter la pourriture naturelle des mâts qui les fera immanquablement tomber. « C’est le cycle de la vie et de la mort, le mât qui porte l’esprit et les restes d’un ancêtre doit tomber et  doit rejoindre le cycle naturel de la terre. L’homme n’est qu’un élément du cycle… il fait partie d’un tout et rien ne doit empêcher la marche inexorable du temps. C’est notre culture, et l’Unesco ne l’empêchera pas… D’ailleurs nous croyons à la réincarnation… à ceci près que l’homme se réincarne en homme… »

Walter, Sean, James… tous nous ont emmenés d’un pas lent et serein dans leur univers… nous ont plongés au cœur de cette forêt envoûtante…

Et la grâce des lieux a fait le reste.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.