Les ombres du Sud

Oui nous avons changé de monde. Pas seulement en terme de températures et de paysages, mais aussi en terme d’humanité.

Durant sept ans passés dans le Nord, nous avions totalement zappé les réalités du Sud. Et voilà qu’elles nous rattrapent. Dans les rues d’Ensenada, lorsqu’arrivent les hôtels flottants qui déversent durant quelques heures des milliers de touristes américains, on voit la pauvreté pointer son nez.

Qu’elle ait le visage flétri des femmes indiennes ou la frimousse poussiéreuse de leurs enfants, la démarche claudicante d’un vieux musicien de rue, elle traîne discrètement, entre les magasins de souvenirs, les restaurants, et les boutiques de parfums, à l’affut d’un dollar ou de quelques pesos. Plus nous nous éloignons de la frontière américaine pour plonger dans cette bien nommée « Basse Californie », plus le monde semble se déliter sous nos yeux. Tout devient aride : des mystérieuses et belles côtes désertiques aux « pueblos » de pêcheurs disséminés entre roches et sable.

Bahia Tortugas, Asuncion : des bourgades qui semblent en déshérence. Avec leurs fronts de mer déglingués, squattés par des nuées de volatiles, où les barques multicolores servent de perchoirs aux pélicans et aux goélands. Si ce n’est la musique qui s’échappe parfois d’on ne sait où, si ce n’est, la nuit, une illumination qui leur donne un air de kermesse, on dirait des villages de brousse africains.

Avec leurs rares échoppes sombres et dégarnies, leur dispensaire, leur école aux murs pastels, leurs maisons basses- lépreuses ou bien maquillées- leurs arrières cours encombrées d’ustensiles, de chiens bâtards et de poules. Et au milieu du village, comme il se doit : l’église affiche sa silhouette haute en couleurs.

Asuncion, peut se targuer de posséder au moins une route asphaltée. Sinon, rien que des pistes en terre battue par des 4×4 et des vans, plus ou moins rutilants qui soulèvent des nuages de poussière. Et partout des gens avenants, aimables, souriants, qui ne semblent pas trop pâtir de leur désœuvrement ni de leur sous/mal développement. Sur la plage de Bahia Tortuga, deux jeunes motards casqués et bottés viennent parader à plein gaz sur leurs grosses cylindrées flambantes neuves. De quoi vivent-ils ? De quoi vivent ces gens en dehors de la pêche qui n’occupe de loin pas tout le monde ? Les voies du Sud sont impénétrables, mais les voix du Tiers- monde résonnent très fort à nouveau à nos oreilles et dans notre conscience de voyageurs comblés.

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