Tahiti, double face

(Par Sylvie)

Entre le mythe et la réalité, il y a tout de même un grand pas.
Tahiti est comme Janus, avec ses deux visages.
C’est tout d’abord la ville de Papeete. Avec son bord de mer encombré d’un trafic continu, son port et sa zone portuaire, ses jardins, son marché couvert, ses immeubles en terrasse qui surplombent le lagon, son infrastructure hôtelière aux quatre et cinq étoiles sont pâlissantes, mais dont les prix n’ont rien perdu de leurs lustres.


Une banlieue de villas, un gigantesque hôpital flambant neuf, à peine en périphérie. Des cliniques où les résultats de vos analyses sont consultables sur internet, le jour même où vous les avez faites. Restaurants, coiffeurs, boutiques branchées, supermarchés Champion ou Carrefour, baguettes croustillantes : on pourrait se croire dans une ville de province du sud de la France.

Mais si l’on dépasse les apparences, l’autre face de Papeete se dévoile. Celle des « roulottes » (gargotes traditionnelles) qui chaque soir apparaissent sur la place ….. puis disparaissent jusqu’au lendemain, sans laisser la moindre trace des excellents plats faits maison qui ont été servis. Celle des bazars chinois où l’on trouve tout, des pièces de voitures aux fleurs artificielles, en passant les habits, la vaisselle et la quincaillerie. Celle aussi des marchands ambulants de fruits, de poissons, de paréo ou de colliers de fleurs qui squattent les trottoirs devant des bâtiments aux murs lépreux.


Tandis qu’en périphérie les gourbis s’insinuent entre les villas, au bout des chemins en terre battue. On pourrait se croire dans la municipalité d’un pays en développement, encore sous influence de l’évangélisation. Protestantes ou catholiques, les églises balisent toute l’île et ne désemplissent pas. Il faut voir, le dimanche les dames à chapeaux blancs, délicieusement désuètes, qui se pressent à l’entrée du temple de Paofai, (les protestants sont majoritaires à Tahiti) pour un culte chanté en polyphonie.

Citadine, chrétienne en bordure de son lagon, Tahiti cache encore un autre visage dans les replis de ses montagnes qui se dressent en toile de fond de sa carte postale. Celui, par exemple qu’offre la vallée de Papeno’o, coincée entre de hautes parois rocheuses d’où dégringolent des dizaines de cascades. La piste (praticable en 4X4) longe la rivière tapie au pied de la forêt tropicale et grimpe dans les nuages jusqu’à un col à quelque mille mètres d’altitude.

De l’autre côté, du col, des lacs. En continuant, on peut traverser l’île de part en part. Mais plus question de passer. La route est fermée. Tapu ! Barrée, depuis trois ans par le propriétaire foncier dont elle traverse les terres. Trois fois la police est intervenue pour la rouvrir. En vain. Voilà plus de deux ans que l’affaire est pendante devant la justice… A Tahiti, l’intérêt public fait grise mine, face à l’intérêt privé, à tous les échelons du pouvoir.

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