Whittier…what’s that ?

C’est la question qu’on nous pose invariablement lorsque nous évoquons, en bon français, notre escale à Vittié.

Vittié, what’s that ?

Oups ! C’est qu’il faut prononcer Oui diear, pour se faire comprendre. Mais bon. Vittier ou Oui diear, les amis auraient d’autres bonnes raisons de nous demander ce que c’est.

Parce qu’à supposer qu’on puisse appeler cet endroit une ville (284 résidents permanents), ce serait la plus soviétique de toute l’Amérique et même du Pacifique nord.

En réalité Whittier, porte d’entrée du Prince William Sound, est une non ville, un non lieu qui ne peut se définir que par la négative. C’est d’ailleurs ainsi que Whittier se présente dans son prospectus touristique qui annonce  d’emblée la couleur :

Il faudra faire avec… d’autant que Whittier a d’autres atouts à faire valoir :

Tout d’abord la pluie. Glorifiée par une page de citations genre «Let the rain kiss you . Let the rain beat upon your head with silver liquid drop. Let the rain sing you a lullaby » ( laisse la pluie t’embrasser. Laisse la pluie te frapper la tête avec des gouttes d’argent liquide. Laisse la pluie te chanter une berceuse). L’ennui c’est qu’à force d’être embrassé, de se faire frapper le crâne et de se laisser bercer par la pluie qui tombe ici en permanence, on finit dans un drôle d’état.

Outre sa réputation de pot de chambre en toute saison,Witthier est aussi un lieu connu pour son tunnel mi-rail mi- route. Chaque jour un train de voyageurs-touristes débouche du tunnel, en provenance d’Anchorage. Sans compter le frêt. Mais comme c’est le seul endroit où peut passer une route,  depuis 1990, le tunnel est à partager  avec les automobilistes.Tous les heures, les voitures peuvent le tunnel  alternativement dans un sens ou dans l’autre. Et place au train qui quand il arrive ou repart, a la priorité sur tout le monde.

Quant aux piétons, pour aller du port  à Whittier « Downtown », il faut emprunter un charmant tunnel de tôle, pour passer sous la voie ferrée.

Après quoi, Downtown, c’est à dire  le centre de rien, s’offre à nos yeux ébaubis :  Une usine à poisson où une dizaine de camions frigorifiques, tous générateurs vrombissants, attendent leur cargaison sur un parking. Et juste après, THE magasin où l’on trouve tout. De la nourriture et des boissons, le musée de l’armée, la douche ( avec serviettes de bains) et aussi la laundry. Pas très esthétique, mais pratique.

Plus haut, vers la montagne, se dresse the Begich Towers avec ses 198 appartements où résident presque toute la population de la ville. Le bâtiment abrite aussi la poste, l’administration communale et autres facilities, comme on dit ici. Il est presque riant à côté du Buckner Building. Un immense bloc en béton gris du plus pur style soviétique. Aujourd’hui abandonnée, cette merveille de l’architecture militaire, vestige de la guerre froide, passait pour le plus imposant d’Alaska. Outre ses 1000 appartements destinés aux militaires, il contenait un hôpital, un bowling, un  théâtre, une piscine et des magasins.

On comprend mieux le pourquoi de cette triste physionomie, quand on sait que Whittier est pour ainsi dire un enfant de la guerre. C’est dans ce trou entouré de glaciers, mais en eaux toujours libres de glace, que l’armée américaine a décidé en 1943 de construire une voie de chemin de fer faisant de Whittier l’avant port de ravitaillement du commandement militaire d’Alaska.  Jusque dans les années 60 où l’armée fit place aux civils et au commerce.

Une telle hérédité laisse des traces physiques évidemment. Sans oublier les destructions du tsunami de 1964 qui a dévasté le Prince William Sound.  Et  pourtant. Whittier  n’en reste pas moins l’antichambre de tout cet archipel de  fjords et de glaciers, raison pour laquelle les paquebots de croisière y font escale deux fois par semaine. Une verrue de plus dans le paysage portuaire.

N.B Je me demande bien quel genre de rimes ce lieu improbable aurait inspiré à John Greenleaf Whittier (1807-1892), le poète Quaker et anti-esclavagiste qui lui a donné son nom à l’insu de son plein gré.

 

1 Commentaire

  1. Maulaz Claire Répondre

    Whittier à elle seule est un cabinet de curiosités! Merci d’explorer pour nous, un monde aussi peu engageant et pourtant réel. Cette « non-ville » pourrait être un électrochoc pour les personnes « dépressives » de chez nous! Bon vent à tous et à bientôt
    Claire

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